dimanche 15 décembre 2019

TISIPHONE OU LA VENGEANCE  - CHAPITRES 10 A 15 - FIN


Chapitre 10

Monsieur le Maire de Saint-Chrysolide et toute l’équipe municipale
sont heureux de vous inviter à l’inauguration du nouveau gymnase Didier Deschamps
qui se tiendra le samedi 20 Novembre à 17 heures au lieu-dit La Pierre Blanche.
Après le discours, la nouvelle équipe de foot des minimes viendra vous saluer.
Les classes de 6ème et 5ème donneront ensuite une représentation de GRS.
(Gymnastique Rythmique au Sol)
Puis un apéritif dinatoire vous sera offert. 

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Cette voix juvénile m’attire et me guide vers lui. Elle m’appelle irrésistiblement à la plus terrible condamnation contre cet immonde fils et contre ses semblables. Je les sens, tous, au plus profond de moi ; ils sont là-haut, à se réjouir de mon infortune. Les vibrations pénètrent mon antre et affolent mes sens dans ma soif de vengeance à assouvir.
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Echange de SMS du 20 Novembre -18h13
- Hugo  T ou ?
- tkt Coline. Au premier rang. Pas le choix.
- jpp. On l’S tomB ?
- moi non plus j’en peux plus… Dzolé. Faut que je reste, c’est le discours de mon père.
- wesh !
- entouK D que C fini… j’me Kss
- RV derrière, côté ancienne maison Dietrich.
- yes
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C’est lui et ce sont ses frères ; ce sont eux qui arrachent et me volent les lambeaux de mon être. Ces succédanés d’humains sucent encore mon sang, tels des vampires nouveaux nés. Mais la sanction sera fulgurante et définitive. De leur jeunesse, je renaîtrai. L’heure est bientôt venue de me repaître de leur immaturité. Je m’élève dans cet antre obscur et m’échappe de ma prison de pierres et de douleurs.
Bientôt… bientôt, sonnera le glas.

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Brouillon audio de l’article de compte rendu de l’inauguration du gymnase pour le bulletin mensuel du Saint- Chrysolidien- 20 Novembre 18H35
Monsieur le Maire termine son discours par ces mots :
- Merci, mes chers Chrysolidiens et Chrysolidiennes, de m’avoir écouté si longuement. Je laisse maintenant la parole à Monsieur Aufort, professeur d’EPS au collège Henri Martin, pour nous présenter la toute nouvelle équipe de football des minimes. 
Note : Il passe le micro au prof de gym, un mec baraqué et bronzé comme on s’y attendait pour quelqu’un qui passe sa vie au dehors à faire du sport. Il semble un peu emprunté mais s’avance d’un pas décidé.
- Eh bien merci, M’sieur le Maire. Il a pas été facile de faire mon choix parmi tous les élèves pour composer cette équipe. Non pas que ça manquait de qualité sportive, bien au contraire ! C’est plutôt que les jeunes voulaient tous en faire partie et que moi, j’aime pas décevoir…
Note : À ces mots, une ola s’élève dans les rangs de minimes assis sur le sol en attendant d’être nommés et félicités. Ils encouragent leur prof et le remercient d’avoir été choisis.
-   Oui… bon… euh… alors, j’ai fait passer des tests et des épreuves et ça n’a pas été sans mal parfois. Le plus dur, ç’a été pour le gardien de but. J’avais douze prétendants pour un seul poste et un remplaçant à pourvoir. Fallait pas que je me goure.
Note : La foule ricane autant des fautes de langages que de la situation.
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L’appel se fait provocation. Tandis que je viens à eux, ils trépignent de joie de m’avoir cloîtrée dans ce sordide cul de basse fosse pendant des millénaires. Ils s’imaginent que jamais je ne reparaîtrai au grand jour. Ils croient m’avoir pour toujours anéantie. Lui et ses semblables, lui et ses frères dégénérés ne s’attendent pas à la concrétisation de mon courroux.
Il est l’heure, il est l’heure, il est l’heure !
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Echange de SMS du 20 Novembre -18h36

- Ayé. J’y suis. Hugo  T où ?
- …
- rstp
-…
- réponds s’il te plait !
- 1posibl
- kekina ?
- coinC avec le daron.
- shit !
 - c pa grave. @ +
Echange de SMS du 20 Novembre -18h38
- Chloé ? imalaché. Tu vi1 ?
  salo ! J’arrive avec toutes les filles de GRS. oKlm Coline.
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Chapitre 11

Ma force m’est entièrement revenue à l’approche de mon avènement et je sens ma toute puissance prête à s’exercer contre lui. De là où je suis, tout au bord de leur monde, je le cherche. Il est quelque part, tout proche, je ressens ses ondes néfastes. Elles sont partout et dans tous. Il est… oui, il est là et là et encore là. Il est dans tous ses jeunes nervis et ses naïfs succubes. Tous… ils sont tous à sa botte, tous asservis et volontaires pour ses basses besognes. En chacun d’eux, il vit encore malgré les siècles écoulés. Il leur a distribué en héritage son fluide pernicieux et chacun de ses cadets porte une part malsaine de ce qui fut Klaus. Il vit encore dans tous ceux-là… et il tente d’aspirer la sève de Vie en se multipliant… il a gagné tous ces humains, esclaves de son emprise et délibérément soumis à sa volonté car ils savent… ils connaissent la part du bien et du mal en ce monde. Mais ils ont fait eux-mêmes le choix si facile de basculer du côté des ténèbres. En cela, ils n’ont aucune excuse et ne méritent aucune pitié.
Posée sur le bord du gouffre dont je suis sortie, j’en aperçois quelques-uns ; ce sont des filles en tenues moulantes et aux couleurs agressives marquées des lettres GRS. Des donzelles sans une seule pensée intelligente qui gloussent sottement. Elles se trémoussent d’on ne sait quelle idée sans intérêt en stupides femelles uniquement préoccupées de superficiel. Elles tapotent des bouts de leurs doigts les touches d’appareils aux ondes malfaisantes. Elles prennent des poses avec des mines qu’elles s’imaginent sensuelles et qui ne sont qu’indécentes. Elles caquettent encore en un flot continuel et imbécile. Il ne sera pas difficile de supprimer une telle engeance.
De jeunes mâles sortent de ce bâtiment sans âme. Sûrs de leur virilité et de leurs pouvoirs… un peu trop sûrs ! Ils portent des vêtements sans forme, dégingandés dans une démarche provocante et vaine. Ils rient bien trop fort de leur petit bonheur futile. Ils se vantent de leur infime exploit sportif à courir après un ballon… pour attirer les femelles sans doute. Ils font rouler leurs muscles ostensiblement et lancent des sourires qui se veulent aguicheurs mais restent sans humanité. Ils n’ont aucun usage de la puissante offrande qui leur a été sacrifiée et ne réalisent même pas son existence au fond d’eux-mêmes. Ils n’ont décidemment rien conservé de la sagesse première, rien sauvegardé de la sapience humaine et ne sont donc plus que des coquilles vides, ignorantes et perfides.
Que cela cesse ! TOUT DE SUITE !
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Chapitre 12

Interview audio - compte rendu inauguration gymnase – 20 Novembre 19h04
  Les garçons de l’équipe de foot ont rejoint les équipes de GRS derrière le nouveau gymnase et ils discutent en attendant l’heure où les filles doivent donner leur représentation. Interview « à la ronde ».
- Bonjour les filles. Est-ce que vous vous sentez prêtes pour donner votre meilleur devant les Chrysolidiens tout à l’heure ? Pas trop de stress ?
Donnez votre nom et expliquez au micro ce qui va se passer.
- Bonjour, je m’appelle Chloé et je suis la chef de classe des 5ème. Notre équipe est composée de cinq gymnastes et celle des 6ème… ben, c’est pareil, cinq aussi. Euh… ah oui… on va évoluer sur le tapis comme si on passait des épreuves de gymnastique artistique et rythmique. On s’est bien entraînées et on est contentes de nous. On se sert de rubans, de cerceaux et de ballons. Euh…
- Vous allez donc nous offrir une représentation à tour de rôle, les 5ème puis les 6ème ?
- Non, euh oui, c’est ça. D’abord nous puis ensuite les petites. Puis on repasse et ensuite elles repassent aussi. Chaque équipe passe deux fois, quoi…
- Bien, merci... Et vous, mademoiselle, comment vous appelez-vous ?
- Sabrina.
- Vous sentez vous prête pour ce soir ?
- Oh, yes, ça va êt’ grandiooose ! Z’avez vu nos nouvelles tenues super flashys ? S’pas que ça en jette, hein ?
- Oui, oui, merci. Jeune homme, vous faites partie de la nouvelle équipe de foot. Etes-vous content de cette soirée qui débute ?
- Yeah, man ! Moi c’est Hugo. C’est la super secla…Aie ! C’est quoi ce beans ? Aaayeu, ça fait mal, ça brûle ! C’est quoi, merde !
Hugo semble avoir été touché à l’épaule par un éclair… Pourtant le ciel est dégagé ce soir. Un arc électrique, peut-être. Une défaillance technique ? Mais nous sommes loin du gymnase et de ses équipements. Nous sommes tous regroupés près de l’ancienne maison en ruine des Dietrich, donc loin des installations électriques toutes neuves. Hugo se tient courbé en deux et, entre ses doigts posés sur son épaule, je vois un filet de fumée noire comme si un feu couvait là. Il s’est jeté à terre et se roule sur le sol maintenant. Un de ses camarades a attrapé un extincteur. Nous ne savons pas du tout ce qui se passe mais Hugo est arrosé de neige carbonique copieusement. Il reste allongé au sol en gémissant. Les filles se sont approchées et plaignent Hugo en se penchant sur lui. Les garçons restent bouche bée… comme moi. Personne ne comprend. Est-ce que nous aurions assisté à une expérience de combustion spontanée ? Quelqu’un a appelé le coach… enfin, le prof de gym qui arrive en courant.
- Hugo ! Hugo, tu m’entends ? Ne bouge pas, je vais chercher le toubib.
Il repart en direction du gymnase mais s’arrête au coin de la maison abandonnée.
- Coline ! Je t’ai déjà dit de pas fumer ! Balance- moi ça tout de suite !
La petite tend le bras pour jeter sa cigarette mais la braise s’enflamme subitement et consume en un clin d’œil le tabac, les doigts, la main et gagne le bras tout entier. Un souffle de feu rugit et embrasse soudainement le petit corps. Des hurlements emplissent l’air ; les filles s’écartent horrifiées. Tout le monde court dans tous les sens pendant que le corps de Coline crépite sous les flammes. La pauvre enfant tourne sur elle-même pour essayer de sortir de cet enfer ; ses cris sont déchirants. Mais on ne peut pas l’approcher ! Que quelqu’un l’arrose de neige carbonique ! Ah, voilà ! … c’est déjà trop tard. On voit le crâne rougi maintenant que les cheveux ont grillés et des cloques qui se forment et éclatent. Mon Dieu ! La tenue moulante rose fluo a fondu sur la peau qui elle-même grésille. Le visage est méconnaissable avec ces lambeaux de peau qui s’en détachent. Le feu a gagné les membres, le torse, les jambes, tout est… c’est horrible ! Et cette odeur de chair brûlée… une puanteur innommable. Que quelqu’un appelle les pompiers ! La dépouille tombée à terre ne bouge plus que par soubresauts, peut être nerveux. Est-elle encore vivante sous ce brasier ? Le feu dévore le peu qui reste et lance ses assauts tout autour d’elle ; il est impossible de l’aider. C’est une fournaise et c’est insoutenable… Que font les pompiers ? Et pourquoi ces flammes sont-elles si hautes ? On croirait qu’elles cherchent encore à manger et balancent leurs tentacules de braise dans toutes les directions. Mais où sont donc les pompiers ? Ah ! Attention ! 
- Ecartez-vous ! Vite ! Le feu se déplace vers nous. Mais comment peut-il faire de si grands bonds ? Fuyez ! Fuyez !
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Chapitre 13

Aucun de vous n’échappera à mon courroux. Rien ne sert de vous enfuir car vous êtes déjà condamnés. Vous vous êtes vous-mêmes condamnés à la peine capitale. Il me plaît d’exercer sur vous mon ardente vengeance, de lécher d’une onde bouillonnante vos peaux d’êtres immatures et inconscients. J’aime à lacérer vos corps de griffes incendiaires et à vous regarder vous tordre de douleur sous mes assauts. Il m’est si facile de lancer mes flammes à vos trousses et de vous enserrer dans mes doigts de braise. J’exècre vos regards éperdus de panique, vos hurlements de lapins craintifs, vos terreurs insipides. Je vomis, en jets brûlants, tout ce que vous m’inspirez de haine et de dégoût.
Que celui qui ne se revendique pas de la descendance de Klaus s’avance ! Que celle qui jamais n’a choisi la voix obscure se présente à moi ! Mais je ne sais que trop combien se détacheront de lot : aucun ! Car tous portent en eux le germe maléfique et tous se laissent bercer par le pervers langage du Malin. Chacun d’eux use sans vergogne des armes dévoyées que leur a fournies mon abject fils. Tous sont traîtres à leurs âmes célestes et indignes du pouvoir qu’ils ont reçu en héritage.
Ce petit animal nuisible se cache derrière la vieille maison et se croit à l’abri de ma colère. Qu’il tremble tant qu’il le peut encore. Il me suffit d’une légère brise pour amener jusqu’à lui une langue de feu. Elle se tient devant son visage, en suspension, comme une tête de vipère prête à mordre. Il l’a vue mais reste stupéfait, l’imbécile. Il n’aura pas le temps de comprendre, la petite vermine. Que le feu se nourrisse de ses yeux et pénètre ses orbites jusqu’au tréfonds de sa gorge. Qu’il descende dans ses entrailles et les inonde de ses brandons. Qu’il l’irradie jusqu’à le consumer tout entier !
Là, ce groupe de femelles criardes tentent de se soustraire à mes vindictes. Elles hurlent comme des pies jacasses et percent mes tympans. Cessez ce stupide vacarme ! Qu’une pluie de lave les emporte et les grille jusqu’aux os !
Celui-là est moins jeune mais tout aussi malfaisant. Je lis dans sa cervelle comme dans l’onde pure du ruisseau. Il n’y est question que de son corps d’athlète, de son petit ego de professeur à satisfaire et de son charme sur les filles. J’y vois une séance musclée donnée comme une correction à un enfant au corps trop mou. J’y découvre un cours particulier donné dans les douches à une jeune fille trop naïve. Je n’y trouve que lâcheté et abus. Qu’il périsse sur les pavés de l’enfer. Que ses pieds se transforment en cendre et que les scories de son être se disloquent en poussière… poussière dispersée dans l’incandescente tourmente.
Des hommes en tenues ignifugées tentent de noyer mon emportement du bout de leurs lances. Les idiots s’imaginent capables de se mesurer à mon pouvoir. Ils ignorent encore qu’il ne relève pas du terrestre et que nul humain ne peut en venir à bout. Ils sont dérisoires dans leur inutile volonté. Ils m’amuseraient presque s’ils étaient moins dépravés. Mais après tout… jouons. Lequel vais-je choisir ? Celui-ci porte des insignes et doit être leur chef. Son esprit n’est empli que d’intérêts personnels. Banquier, il boursicote et se sert sans honte des primes gagnées sur les agios de ses clients moins argentés. Il use de son ascendant pour les forcer à signer des contrats douteux qui lui rapporteront, à lui, davantage d’argent. C’est donc à lui que j’adresse mon ordre mental. Résistera-t-il ? C’était à parier… aucune fermeté ni noblesse d’âme… il a suffi de lui suggérer pour qu’il obéisse, pour qu’il envoie toute son équipe d’escrocs, lui le premier, dans la gueule ouverte de la fournaise. Là, bon chien… c’est bien !
Il ne reste plus personne sur ce champ de ruines calcinées. Mais ma fureur n’est pas assouvie. Cela est insuffisant à punir cette désastreuse engeance. Je les sens présents un peu plus loin, dans leurs maisons, se croyant à l’abri. Je balaye d’un souffle embrasé les portes et les murs. Les toits s’envolent sous mes assauts enflammés. Alors, j’incinère les esprits superficiels occupés à s’abrutir devant les piètres écrans, les mains refermées devant la détresse d’autrui, les bras porteurs de trop de déchets infestant la terre nourricière. Je carbonise les épaules qui ont défoncé les portes des migrants à expulser, les poitrines recouvertes de médailles dégoulinantes du sang d’autrui, les tailles sanglées dans les préceptes étriqués. Je consume les cuisses tendues vers l’ignoble viol, les genoux cagneux et usés sur les prie-Dieu,  les pieds abandonnant le domicile conjugal… jusqu’à ce qu’il ne reste rien… plus rien dans ce village.

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Chapitre 14

Une main carbonisée attrape un téléphone portable à moitié fondu. Une oreille encore grésillante se colle à l’appareil et une voix mourante s’élève doucement :
- Allo ? Allo, la police !
- Poste de Police de Mandergean, j’écoute.
- Faut…Ah ! venir ici… Aaaah ! tout de suite !
- Allo ? Pouvez-vous parler plus fort s’il vous plaît ? Je vous entends très mal.
La jeune standardiste fronce les sourcils. Un canular ou non ? Le ton de voix bien que très éteint lui donne la chair de poule. Les ondes vibrent d’une douleur non feinte. Elle se concentre sur les mots à peine audibles.
- sont tous morts…Ooooh, j’ai maaal…morts brulés… vite…
- Qui êtes-vous, Monsieur ? D’où appelez-vous ?
- Saint Chrys… ChrysoooOOh… OOoooooh !
- Allo ? Allo ! ALLO ? Monsieur… Monsieur, répondez… Allo ?
- Chef ! CHEF ! Je crois qu’y a un problème à Saint-Chrysolide.
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Ceux-là ne répandront plus la misère, la haine et la peur. Ceux-là ne tromperont plus leurs semblables ni ne blesseront les amours qu’ils ne méritaient pas. Ils ne trahiront plus la confiance qu’ils avaient volée.
Mais d’autres portent en eux le germe du bâtard que j’ai mis au monde et sèment encore la discorde et la détresse. Dans ces champs labourés, je sens l’odeur de l’asservissement sous le parfum de la sueur monnayée au rabais. Dans les branches des arbres de ce bois, je vois flotter le désespoir des jours de ventre creux et les peines des nuits de solitude morale. Cette forêt transpire d’une telle noirceur qu’il doit y avoir, là, un adversaire à ma mesure.
Je le sens… au milieu d’une clairière dans une masure de bois qui répand la pénombre et la désespérance. Caché du reste du Monde, il se croit à l’abri derrière ses planches pourries et ses incantations de nécromancien. Il s’abreuve d’un bouillon thaumaturgique et s’habille des oripeaux de la désolation qu’il engendre. Il est au logis. Ce piètre magicien ne m’a pas entendu approcher de son antre. Je n’en ferai qu’une bouchée ! 
Il suffit d’un souffle de mon feu pour réduire son taudis en poussières de braises. Le voilà en même temps démuni de ses dérisoires ingrédients. Il est déjà à terre… non, il s’est juste replié sur lui-même, genoux au sol et tête rentrée dans le giron. Tu trembles, ébauche de sorcier ? Il ose se relever et me jeter au visage une poignée de graines. Crois-tu que la Nature te viendra en aide, stupide illusionniste ? Les semences n’ont pas eu le temps de toucher terre qu’elles étaient déjà rôties. Il te faudra un peu plus que cela !
Qu’as-tu d’autre en réserve ? Il se déplace vite… change sans cesse d’endroit…se meut à la vitesse du vent… il tourne autour de moi et croit m’encercler. Penses-tu réellement que ta danse m’étourdira, empoté d’escamoteur ? Je sais où tu es ; je sens où tu vas ; je devine où tu seras.
Que dis-tu de ce flux de glace sibérienne pour ralentir ta course folle ? Elle suit ta trace et s’élève en rond tout autour de nous. Elle forme un mur gelé tel un sérac détaché de sa banquise, infranchissable. Nous voilà séparés du Monde et tu n’auras plus en réserve que tes seules capacités. Es-tu sûr de vouloir encore m’affronter ? Cesse de faire la girouette et viens combattre si tu l’oses !
Mais que jettes-tu derrière toi à chaque pas ? Quel sortilège crois-tu m’imposer ? Ah… tu sors de tes poches des artifices minuscules ! Qu’est-ce donc que ces chétifs objets ? Des graines encore ! Alors, que choisis-tu, cette fois… la glace ou le feu ?
Ce sera selon mon seul choix : une injonction mentale de te démembrer toi-même ! Oui, c’est cela, le pied droit se détache pour aller frapper le mur de glace. La main gauche se tranche et traverse l’espace. L’épaule droite se désarticule et saute de son logement. La jambe gauche s’enfuit toute seule et grimpe tout en haut. Et la tête ? Que vais-je faire de cette horrible face de gnome puant ? À quoi te sert de tirer cette langue de serpent ? Pourquoi vient-elle traîner jusqu’au sol ? Elle lèche les graines semées en rond. Que fais-tu, résidu d’hominidé ?
Mais qu’est-ce que cela ? Par quelle magie, les graines calcinées reprennent elles vie ? Comment peux-tu encore user de tes sorts pour faire lever les plantes et pousser les tiges ? Quel est cet artéfact ? Les plants grossissent et envahissent l’intérieur du mur. Ils deviennent subitement féroces végétaux se déployant en tous sens et lancent leurs lianes souples dans toutes les directions.
Non, pas dans n’importe quel axe ; ils cherchent à me saisir, moi ! Reculez, maudites herbes ! Brulez, branches décadentes ! Flambez arbres pervertis ! Le bois est trop vert pour se consumer… Ils survivent dans ce froid glaciaire et s’en repaissent. Mes ordres n’atteignent aucun cerveau susceptible d’être commandé. Mon souffle rebondit sur la paroi gelée que j’ai moi-même créée. Et les tiges m’enserrent et m’étranglent déjà.
Elles m’étreignent et me ceinturent si fort qu’elles m’immobilisent…

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CHAPITRE 15
- Infirmière ! La malade de la chambre 9 essaye encore de se détacher. Venez avec Jean-Marc pour la contenir… Elle est violente !
Natacha entre dans la chambre de l’hôpital psychiatrique dans lequel elle travaille depuis cinq ans. Cette malade, personne ne connait son nom. Le SAMU l’a trouvée, il y a trois nuits, errant dans le terrain vague de Mandergean. Les services d’urgence n’en ont pas tiré un mot. Personne, dans les environs, ne sait qui elle est. Les recherches n’ont amené aucune information à son sujet. À croire qu’elle n’existe pour personne.
Parmi tous les tests que les médecins lui ont fait passer jusqu’à présent, aucun n’a révélé d’anomalie physique. Elle n’a pourtant jamais prononcé un mot. Enfin… sauf la nuit… elle crie, elle hurle des phrases incompréhensibles qui parlent de pouvoir et de sous-monde noir et obscur. Elle vocifère des injures et maudit un certain Klaus.
Natacha et Jean-Marc maîtrisent la malade et remettent en place les sangles qui la maintiennent attachée à son lit. Le médecin a été formel : « L’enfermer dans sa chambre ne suffit pas. Cette femme est capable d’une violence extrême et pourrait recommencer à se scarifier. Je ne veux plus jamais la retrouver en sang comme le premier jour. Elle pourrait, en plus, blesser gravement les intervenants. Elle est incontrôlable et devient d’un instant à l’autre totalement hystérique. »  Alors, les infirmiers obéissent et l’attachent avec le plus grand soin.
Puis, ils sortent dans le couloir pendant qu’une radio rappelle les informations de la semaine : «  Lundi dernier : inquiétant incendie à Saint Chrysolide. Le village entier a brûlé. Aucun survivant. La thèse accidentelle est explorée mais pose bien des questions sans réponse. L’enquête est toujours en cours. »

FIN

dimanche 8 décembre 2019

TISIPHONE OU LA VENGEANCE - CHAPITRE 9



Tout me ramène à l’instant où le fils hybride d’Alban a sucé le sein et le sang de sa mère. Mais de l’offrande du pouvoir maternel, il n’a su retenir que le coté maléfique. De la sagesse infinie de son père, il n’a gardé que la redoutable intelligence. De sa double nature, il n’a conservé que bâtardise et dégénérescence. De l’union si parfaite, il a détruit le corps physique. Pourtant, dans son infantile ignorance, il a enseveli ce qu’il ne pouvait anéantir.
C’est lui ; c’est encore lui aujourd’hui qui me déchire et me dévore. Les lambeaux de mon être s’échappant de mon antre, c’est lui qui les arrache et me les vole. Ne lui-a-t-il pas suffi de m’inhumer dans la pierre antédiluvienne ? Faut-il qu’après ce temps infini il vienne encore me tourmenter ?
Je le revois sortir de mon ventre, cet ersatz de poupon vivant. Le sourire de son père, cet homme au rire moqueur et à la voix chaude, m’avait alors instantanément guérie des douleurs de l’enfantement. Une simple apposition de la main d’Alban sur mon bras et son aura m’avait à nouveau enveloppée comme une protection séculaire. J’avais intensément ressenti la parfaite harmonie dont nos deux âmes ne finiraient jamais de se repaître.
Ce père s’apprêtait à faire le don de lui-même à ce nouveau-né. Il était prêt à tout offrir en récompense du cadeau de cette vie nouvelle, de ce prolongement de lui-même auquel il ne s’attendait pas, qu’il ne m’avait pas même demandé.
Nous en étions là, à accueillir un enfant parce qu’au début de notre rencontre, et en réponse à son refus de me traiter en déesse comme tous les mortels l’avaient fait jusqu’à présent, j’avais résolu de me comporter en humaine. Alban avait récusé toutes les évidences et ne voulait pas voir en moi autre chose qu’une femme aussi belle et puissante soit elle. Il m’avait ainsi traitée en égale et m’avait donné une place dans ce monde. Il existait enfin un endroit pour moi, un foyer où vivre, une famille qui m’acceptait, qui ne me vénérait ni ne me craignait comme un être hors norme. J’avais donc été jusqu’au bout de ma folie en m’imaginant que porter la vie en moi serait l’acte ultime capable de me restituer une humanité que je n’avais peut-être jamais eue. Nourrir en mon sein une graine de vie humaine devait, sans nul doute, me transformer et me permettre d’atteindre la mortalité que j’appelais depuis tant de siècles de solitude. La procréation allait également donner à mon bien-aimé une descendance qu’il se lamentait de n’avoir pas encore. Il ne s’aperçut que tardivement de ma grossesse et les quelques mois qui restaient à attendre passèrent comme un divin enchantement. Lorsque vint la gésine, il était présent et se réjouissait de cet avènement.
Nous en étions là et nous avons vécu les trois premières semaines comme un rêve. L’enfant, nommé Klaus, en mémoire du père de son père, ressemblait à s’y méprendre à un bébé. Dans les premiers jours, il tétait goulûment et dormait à poings fermés la plupart du temps. Sa chambre avait été décorée avec le plus grand soin exposant une féérie de personnages et d’animaux joyeux aux ventres rebondis. Les tentures de velours paraient l’endroit de teintes douces lui donnant un aspect de cocon où sommeiller en toute quiétude. La gouvernante surveillait de près les moindres mouvements et humeurs du chérubin. C’est elle qui s’interrogea la première sur le développement très rapide de cet être de chair. Il grandissait à un rythme bien trop rapide. Son caractère s’affirmait un peu plus chaque jour. Ses membres poussaient comme de la mauvaise herbe. Ses traits se durcissaient déjà alors qu’il n’était sorti de mon ventre que depuis dix jours. Sa tête gonfla en une nuit semblant contenir un cerveau démesuré et ses dents… ses dents… Les médecins n’y comprenaient rien ou, pire, nous disaient de nous réjouir d’avoir un enfant si précoce. « Il a la force de son père et la volonté de son grand-père » furent les mots du dernier docteur à l’avoir ausculté, avant que les dents pointues ne transpercent sa main.
Nous en étions là lorsque Klaus ne fut plus un enfant. Une vingtaine de jours avait suffi. L’avait-il jamais été ? Son petit corps rondelet s’était mué en une longue chose difforme sous une musculature d’homme. Nous ne savions que faire face à une croissance aussi inattendue. Sur son visage à l’ossature marquée, des yeux emplis de colère surmontaient une mâchoire prognathe. Il n’avait pas eu le temps d’acquérir de langage malgré son aspect d’adulte. Il s’exprimait par des borborygmes et des cris qui perçaient nos tympans. Nous ne comprenions pas pourquoi, après avoir été choyé, il nous opposait une humeur faite de haine et de mépris. Son père tenta de l’apaiser puis, finalement, de le corriger par la force puisque la douceur ne portait pas ses fruits. Alors que Klaus déchirait méticuleusement les riches livres d’images, il les lui arracha des mains et une claque tomba sur sa joue osseuse.
Dans l’instant, le regard de son fils se changea en braises malveillantes. Un long hurlement de loup monta de sa gorge et ses doigts, lâchant le papier, se refermèrent sur le cou de mon bien-aimé. Le combat fut rapide malgré la différence de taille. L’enfant au corps filiforme se tortillait comme une anguille pour éviter les coups de son géniteur qu’il étranglait. Nos tentatives pour l’arrêter furent violemment repoussées à coups de pieds cachectiques. Lorsque le dernier souffle s’échappa de la bouche d’Alban, Klaus lâcha prise et le corps tomba sur le sol dans un bruit mat que je n’oublierai jamais. Mais sa colère n’était pas encore assouvie.
Cinq gardes étaient accourus en entendant les cris en provenance des appartements. Aucun d’eux n’avait réussi à approcher le champ de bataille et aucun n’avait pu empêcher l’assassinat de son maître. Ce fut un carnage. Klaus se rua sur eux dans un mouvement si vif qu’ils n’eurent pas le temps de réagir. Toutes dents dehors, il égorgea, coupa les membres et les têtes qui tombaient ensanglantées et encore hurlantes de douleur. Les restes des corps volèrent en tous sens comme fétus de paille. En aller-retours sauvages et calculés, il décima en un clin d’œil les cinq hommes d’armes.
Pendant ces scènes d’horreur, je restais terrassée par l’incompréhension. Comment un bébé tout juste né pouvait il détenir cette force et commettre une telle tuerie ?  Le spectacle de mon frère d’âme tombé sous la main de son fils me terrifia. Prostrée dans l’encoignure de la fenêtre, les yeux agrandis d’épouvante, je n’arrivais pas à aligner une seule pensée avec elle-même. Lorsque le dernier soldat fut occis, le regard de braise se tourna vers moi. Je vis alors au plus profond de ses pupilles brûler les flammes infernales. Cet être n’était pas un enfant, pas mon fils… pas humain. Cette idée en amena d’autres en quelques fractions de seconde. Il était issu de mon ventre et de la sève de mon alter-ego mais il semblait détenir un pouvoir thaumaturgique. Pouvait-il tenir de moi une puissance aussi démoniaque ? Je n’avais jamais usé de mes dons pour faire le mal même s’il m’était arrivé de m’en servir à mon bénéfice. La culpabilité d’avoir engendré un tel monstre se disputait la place dans mon esprit avec l’urgence à le contrer. Il s’avançait à pas lents vers la fenêtre où je m’étais blottie. La gouvernante passa une tête hagarde par la porte et Klaus, d’un geste négligent, sans même se retourner vers elle, leva en arrière une main effilée d’où sortit un éclair rouge. Il frappa le front découpant nettement le crâne et faisant bouillir le cerveau qui s’éparpilla sur le plancher.
Son pouvoir grandissait à chacun de ses pas. Il grondait, entre ses dents pointues, un râle de bête sauvage et affamée. Ses yeux ne quittaient pas les miens. J’avais l’impression que, de loin, il suçait encore mon sein… non, mon sang, mes facultés, mon âme. Un brusque sursaut de rage me fit réagir lorsque je sentis qu’il me vidait de ma substance. J’utilisais mon ascendant de mère pour lui ordonner de cesser ces actions. Il ne cilla même pas.  J’usais de mon pouvoir en ajoutant un envoûtement pour commander à ce qui, quelque part, était peut-être encore humain. Il ne montra aucune réaction. L’ordre formel et absolu de stopper, dans la seconde, son avancée lui fut imposé dans un puissant influx magique mais il ne dérogea toujours pas à sa décision. Enfin, la contrainte psychique de reculer devant ma suprématie fut violemment jetée au plus profond de son cerveau. C’est alors que je compris qu’il n’en possédait pas, que son être n’était pas gouverné par autre chose que le mal sans entendement d’aucune autre sorte. Alors, je me levai, le dos à la fenêtre, et tendis mes mains en avant, bien décidée à user de tous les moyens quels qu’ils soient.
De lui émanait le feu des rives du Styx et des flammèches dansaient tout autour de son corps malingre. Je le fixais intensément et lançait un puissant jet liquide destiné à le déstabiliser. Dans ce monde ou dans l’autre, l’eau a toujours eu raison du feu. Le jaillissement l’atteignit en pleine face. Les lueurs rougeoyantes s’affaiblirent un court instant tandis qu’il recula d’un pas. La surprise qu’une mère ose s’en prendre à son fils, peut-être ? Mais ces notions étaient-elles présentes dans cet être maléfique ? Il essuya son visage d’un revers de main. L’eau s’évapora instantanément laissant planer quelques vapeurs blanches bien vite disparues. Son râle devint un grognement de loup prêt à me sauter à la gorge et à me déchiqueter. Je fis un pas de côté, tentant de m’éloigner. Il glissa dans le même sens pour conserver la distance entre nous. Son regard dément vrillait mon cerveau et tentait de m’imposer sa loi. Il suçait encore, de loin, ma substance intime. Il s’abreuvait à ma source de vie et je sentais déjà mes forces s’amenuiser. D’où tenait-il une puissance capable de m’amoindrir ?  Se pouvait-il que je lui ais offert, avec la vie, la clé éternelle de la souveraineté ? Il me fallait trouver une autre stratégie pour anéantir ce vampire des œuvres de Satan.
Je me campais sur mes pieds alors qu’il ne faisait que progresser davantage. De mes bras ouverts, j’embrassais la salle entière et projetait des pics de glace acérés. Ils emplissaient l’espace et fusaient en tous sens dans un chuintement continu. Certains transpercèrent ses membres mais la plupart furent évités par son corps d’anguille. Ceux qui l’avaient touché ouvrirent des plaies desquelles ne s’échappait pas un sang humain. Des bouillonnements d’un noir liquide suintèrent sur le sol de dalles et y percèrent des trous ronds et fumants. Ce qui n’était plus vraiment Klaus recueillit sa lymphe de jais et la projeta sur moi. Dès son contact, mon corps physique se mit à flamber telle une torche humaine. Ma chair cramoisie se dissolvait déjà sous la terrible chaleur. Ma peau, mes muscles et mes fibres fondaient autour de moi et répandaient des flaques bien vite évaporées. Mes os furent bientôt brûlés et commençaient à tomber en poussière. Je disparaissais petit à petit.
Mais mon pouvoir subsistait sans avoir besoin de matérialité. Mes efforts redoublèrent et j’interposai une plaque gelée entre lui et moi. Il prit une profonde respiration et souffla un vent de géhenne. La protection fondit en quelques infernales secondes. Il était à deux pas de ce qui restait de moi maintenant, me montrant ses dents et ses griffes animales, et il m’était de plus en plus difficile de ralentir la désagrégation de mon énergie vitale. Je rassemblai  mes forces et ma volonté et je lui assénai mon ultime ressort. Une bourrasque sibérienne se leva entre les pierres de ce qui fut sa chambre. Elle s’insinua dans les interstices, les recouvrant de givre et un sol de gel recouvrit les dalles. Des flocons de neige dansaient dans l’air suspendu entre nous. L’air blanc sembla vibrer un instant dans une polaire immobilité.
Klaus eut un instant d’hésitation comme une difficulté à se mouvoir et interrompit sa marche létale. Je donnai de moi tout ce qui vivait encore dans mes restes et mon cœur calcinés. Une lutte sans merci se jouait et tantôt il faisait un pas en arrière tantôt il reprenait l’avantage. Le château tout entier et peut-être, au-dehors, la contrée devaient être ensevelis sous une blancheur antarctique. Je maintenais la pression sentant la victoire à porter de ma main. Il hurlait et le sang noir de ses plaies se muait en cristaux de glace avant de toucher terre. Je résistais, tentais de le repousser, gagnais un pas et puis deux.
Alors, ce monstrueux bâtard usa d’un subterfuge pour dévier mon attention. Le corps sans vie d’Alban se leva soudain devant moi et je crus, l’espace d’une infime seconde, que mon amour était revenu de l’antre des morts. Klaus profita de mon désarroi pour lancer un tranchant éclair de feu qui ouvrit le sol sous mes pieds. Un gouffre obscur avala d’un coup les lambeaux éthérés de mon être et les engloutit jusqu’au plus profond d’une cavité de pierre qui se referma aussitôt sur moi.
Pourtant, aujourd’hui, mon heure est venue, celle de punir cette engeance.