dimanche 13 mars 2016

Je m'en carpe diem...

Le temps tourne sur lui-même tout comme la roue exécute son unique fonction. La ruelle pleure de n’être que son arrière-cour et le soleil du haut de son indifférence s’en fout brillamment. Un sourire luit dans le visage de son carnassier qui agite ses blancs de mémoire pour qu’on lui tienne la main, mais déjà le temps a fait de lui un oublié. Le rythme est tel qu’on ne peut le défier sinon que par des accrocs dans sa toile immaculée et définie de par sa perfection. Les nuages, inconsistant, mais bien visible dans le bleu de son océan défilent vers la bonne direction, celle de leur destiné et seuls les rêveurs leur attribuent une signification quelconque.

Moi, simple dans la simplicité que s’y accorde, je tire mon épingle du jeu dans l’espoir d’un demain à portée de main. Qui sait ce que l’on peut cueillir du haut de ses croyances idéalisées, sinon que l’espoir de croire encore
un peu… L’idéalisme a pour lui de voir dans la réalité une fêlure avec ce qui devrait être. Tandis que le réaliste ne croit que ce qu’il voit et peut concevoir, quitte à le palper par plaisir de crédibilité, mais jamais déçu il est.

Les rues abondent d’odeurs qui ne veulent pas être identifiées. Simplement voler en effluve du passé. Les passants, en marcheurs d’occasions, sifflent en cadence leur pas pour que jamais ne sonnent les cloches du retard, donc pressés par une chaleur qui démange l’ambition. Moi, perdu au milieu de se quelque part en le désir et la réalité, je fonce et défonce ma condition, sans que ne crie le hélas d’un abandon résigné.

Dans un détour de mon élan sans frein, je détourne mon champ d’intérêt vers un adage populaire dans les landes de la philosophie contemplatrice. Elle sied sur une affiche publicitaire. Entre deux néons qui pointent en sa direction jouant du stroboscope pour contrer l’anonymat dans la masse. La contrainte d’être populaire repose sur le constat que l’on perd de son essence au prix du plus offrant. Par pur hasard, elle épouse la cause d’un détergent à lessive. Comme elle est propre à son essence, elle porte en elle peu de mots parce que pourquoi elle en contiendrait davantage. D’instinct, je serais porté à lui répondre d’un simple pourquoi pas. Sous le contenant jaune citron, ce carpe diem scintille de son éloquence. Carpe Diem, qui est-ce qui le fait de nos jours? Je ne crois pas que l’essence de cette maxime soit cueillie pour ce qu’elle exprimait dans son jadis et que le contexte actuel y soit propice. Il est plus aisé de cueillir le moment présent quand l’espérance de vie est courte. Jeunesse d’insouciance dans ce qui les meut en ces temps de n’importe quoi. Réflexions faites, je ne crois pas en la justesse de cette philosophie qui endort quiconque y prend goût.
 
Je sais d’avance que les foudres seront attirées et orientées vers ma personne d’affirmer que ce genre de philosophie détruit et asservi la volonté de l’individu. Un oiseau passe se perche et s’en balance. Une voiture me croise la route et poursuit sa course dans la ligne droite de sa pensée, m’indiquant que je devais poursuivre moi aussi.

Je me souviens d’un livre sur le présentisme qui décriait la situation de ces êtres du moment présent. Mais comment peut-on réellement s’y poser, moi qui m’y oppose. La vaillance est mère de l’avenir, car elle défie la fainéantise de l’avilissement. L’heure tic-tac ma course et mon retard ne fait que s’accroître. Sans m’y perdre en temps et en nombre, je perpétue ma direction vers l’opposé de cette affiche qui me carpe diem trop.

La ville s’est construite dans la bonne volonté de ceux ont pris du temps pour elle. Chaque segment, chaque coin de rue, chaque monceau ne pourraient exister sans l’once d’un engagement. Ces gens ont sacrifié une partie de leur énergie pour l’avancement de leur communauté et non pour pêcher cette carpe diem.


Au loin, le garde-manger en champs labourés, cette lande en verte terre. Toute sa beauté m’émeut. La voiture rouge aux roues surdimensionnées laboure sans rompre son rythme la nature de sa fonction. Quelques goélands tournoient autour de la cabine de celui qui œuvre sans compter les heures écoulées. Pour lui, cet homme dévoué, le temps n’existe que pour ce qu’il a à accomplir et non en fonction de sa personne. L’égocentrisme est rarement mère de la communauté, bien au contraire. Et si je ne faisais que cueillir, je mourrais de faim dans les semaines à venir. Apprendre à se nourrir et cultiver ce qui nous revient, voilà ce qu’est la satiété… Et moi, pourtant, j’ai toujours faim…