vendredi 30 décembre 2016

Doux moments

Danse sous un ciel
La vie de l'hiver
Ballet unifié sans chorégraphe
De ces boules de coton givrées

Pendant ce temps
Bien chaud, une âme rêve
D'un autre monde
D' autres moments

Ses yeux perdus dans l'horizon
Il espère et s'égare
Dans un passé
Qu'il voudrait présent

Mémoire peinte
Sur un lit de jet d'encre
Évoque souvenirs suaves
D'un amour consumé

Coeur léger, coeur lourd
Le funambule sur un fil de soie
Valse entre joie et chagrin
Dans l'attente d'une prochaine fois

Amour d'Ébène au coeur d'or
À toi et à tout jamais
Mes battements sont pour toi
Au même au delà

lundi 19 décembre 2016

Pavé

Quand le jour se lève
Au visage des rêveurs
Lumière en étoile 
Sous une lune de miel
Amants et aimants
Sous le tendre de leur corps
La volute de leur étreinte
Perméabilité dans leur monde
Isole et protège
Pour qu'unir enfin
Leurs deux destinés
En un seul chemin à paver

dimanche 18 décembre 2016

Sablier...

Rêvasser libère l'âme de celui qui espère
Moi, dans l'étreinte de cette instant je m'y perds
Son regard dans le mien, je m'égare et m'y noie
Et je le veux tant!

Broyer le temps nous séparant se révèle
Dans le défi qui m'est donné
Une douleur ambiguë, car
J'égraine le sablier de l'attente en dépit...

Cœur à la chamade
Dans le battant qui brûle
Mes gestes ne parlent que d'elle
Car que d'elle je veux parler à présent...







jeudi 15 décembre 2016

...

J'ai parlé aux lignes de ma vie
Constat d'une médiane en tremplin

Brusquement, lentement
Dans le soudain ressenti depuis longtemps
L'éclat d'un jour nouveau

Au puissance de miel et d'ébène
Savourer et humer ce fruit offert

Je voudrais tant
Dans le désir qui souffle 
En effluve mordoré

Ses absences répétées
Me brûlent peau et cœur

Mains jointes en lignes unies
Mes yeux embrumés pointent l'infini
Pour qu'au final, tout soit commencement

Latence en attente, j'écoule le sable sans dormir
Afin d'y cueillir enfin, oui enfin...la cueillir.



mercredi 7 décembre 2016

Ébène

Coin en détour d'un survol
Esquisse dans le temps
Pour que dans l'antre 
Puisse enfin
Lisser la soie d'ébène
S'imprégnant ainsi
De cette sensation permanente
Sur les vestiges de son passage



mardi 22 novembre 2016

Se donner le droit

Dans le doute
Image en berne de mon moi idéal
Le quotidien,
En sueur d'aboutir
Fragilise en émoi
Mes convictions transparentes
Du mieux faire et toujours plus
Éclos alors, 
En sanglots réprimés
Le triste regret 
Le triste reflet
De s'autoriser le droit
D'être normal
Et l'assumer
Car la vie
Mis à nue
Témoigne de notre authenticité
Et par de là
Notre unicité
Et donc, 
Notre beauté



samedi 19 novembre 2016

Un jour ordinaire...

Cimes en fourche érigée, l'automne pointait en gris sur les arbres décharnés. Le vent, en gyrophare d'Éole, faisait chanter ses branches réduites à leur nudité. Déjà le jadis des couleurs fauves de leur octobre écoulé, jonchaient le sol en proie de brunir en nutriment fourragère.  La neige en peine de tomber retenait en son sein ses cristaux aux mille éclats. 

Écureuils, en sauterelles des arbres, ondulaient, chargés de leur butin voué à l’oubli, mais que leur importe... l’intention était noble. Tandis qu’en « V » les oies de leur passage quittent les lieux. Parsemant de leur vol un son criard jouant à l’unisson. 

Quelques êtres, courageux en parka, ratissaient les dernières feuilles récalcitrantes qui cuivraient les plates-bandes éteintes. 

La lune, en bandoulière de nuages, chevauchait le jour en proie à l’extinction. Son éclat jurait de par l’immaculée de sa lueur sur le noir qui gagnait l’horizon. 

Sur le trottoir, les pas se faisaient rares, voire inexistants. La vie se recroquevillait vers son hiver de cocon, de coton. La ville était donc en berne et en liesse de pouvoir respirer à nouveau. Le vide de l’homme libère l’espace des lieux inoccupés. Retour à la normale, à l’origine et à son déclin. Seuls quelques néons clignotaient en appel d’offres pour attirer les rares passants inoculés dans l’air du temps mort. 

Puis, dans le détour d’un coin de passage, un tourbillon de vent enveloppait les déchets abandonnés. Vulgaires papiers de gomme et moult feuillets publicitaires encore humides de la dernière pluie. Dans leur élan, ils se calèrent aux vitrines les ayant imprimés au préalable en guise de retour à l’expéditeur. Comme quoi, à vouloir cracher contre vent et contre tous, on s’éclabousse de soi-même. 

Et, dans le tic-tac de son horloge édentée, le gong de la page à tourner se fit entendre, annonçant, soulagé en soulagement étouffé, que le jour présent était maintenant chose du passé, chose dépassée.





mardi 15 novembre 2016

Rire de soie

Dans l'écho d'un plaisir à partager,
les murs aux oreilles tendues
Rigolèrent de cette joute feutrée
En cascade de bonheur
D'entendre un rire de soie
Tisser l'écharpe de son humilité

.

jeudi 10 novembre 2016

Je suis novembre...

L'angle du soleil en déclin sur une journée en proie de se clôturer, traversait la parquet parsemé de poussière. L'heure, pourtant dans son horaire habituelle n'en avait cure et pulsait son aiguille en trotteuse vers l'arrivée de son départ. Le temps n'est autre que la futilité de calculer pour regretter. La vie en ce jour basculait donc lentement vers une noirceur davantage longue que désirée. Ainsi est le rythme des jours sabrés de lumière. L'automne porte en elle l'image d'un retour vers l'intérieur de soi. L'été et sa richesse florissante en couleurs éparses, jumelle de l'extraversion, se lasse de nous et nous rejette du revers de sa main. 

Le son grinçant de la chaise berçante, de par ses arceaux de bois formés,  rompaient à elle seule le silence imposé par la nuit omniprésente. Les étincelles de lumières de rue parsemaient la voûte d'ébène du ciel régnant en roi et maître. Le givre, lentement se posait sur les surfaces encore humide de la rosée étiolée. Elle, de par sa nature ambiguë, jouaient de beauté tout comme de morsure fatale à la triste végétation en sursis de dormance. Toile d'artifice sur le vitre, je ne tentais même pas de la faire fuir, à quoi bon lutter contre l'inévitable. La beauté n'existe d'ailleurs que dans la manière de voir. Illustre leurre de croire de tout est bien, car la fatalité énonce que tout Est, et rien d'autre. Seuls les êtres vivants, en quête de sécurité, s'inventent des illusions en sur-vêtements symboliques Mieux vaut observer et vivre cette transition, quitte à se retirer pour de bon. Hiverner, c'est choisir de vivre en deux temps. 

Être seul dans un monde de nuit double le sentiment de solitude et pourtant, la vie continue malgré tout. Simplement que le mode des interactions s'est mis en berne et isole dans son antre les âmes en peine. 

Sanglots en frisson de néant, tressaillement de l'humeur dans une mare de désolation, les doigts entrecroisés, je devais bien l'admettre... Je souffrais de novembre.


mercredi 2 novembre 2016

Libre de voler...

Le vent, en bruissement d'ailes

Parfume de soupirs les oiseaux

Qui vagabonde d'aisance 
Sur un monde inhospitalier
Que médire ils y prennent plaisir
Pourtant, la fleur de leur liberté
Écume en écrin d'une étreinte
Brille de sa pure essence
Tandis que dans un détour
Heurtés de par son indifférence
Le mur de l'insignifiance 
En vaine tentative
Tenta de briser ceux qui devraient
Voler librement

mardi 25 octobre 2016

Transition

Souffle doux
En fin d'octobre chanté
Porte haut en ciel décharné
Un hiver dans sa dormance étiolée
Traçant en sillage de filet de tapis blanc 
Son arrivée prochaine

jeudi 13 octobre 2016

Un matin comme les autres (fin... et rien d'autre...)

Des lettres en guise de mots. Clara ne faisait pas qu'entendre le discours de l'autre... elle pouvait clairement les lire devant ses yeux. Comme si l'ombre qui la tenait prisonnière voulait qu'elle se les imprègne dans son esprit. Afin qu'ils s'inscrivent en elle comme une seconde peau, qu'elle devienne ce qu'elle allait lire et l'idée lui déplut autant qu'elle la répugnait... Mais lutter était inutile, prisonnière de son état résignée… elle ne pouvait que subir.

Comme si l’ombre savait qu’elle avait gagné, elle prit le temps de bien fondre son message dans l’antre de sa conscience déjà fragilisée. Après un long silence et un souffle sulfureux, l’ombre lui vomit cette phrase telle une épitaphe future.

« Futile, la futilité est la source qui abreuve tant de fleuves et d'océans. La finalité de la vie n'est autre que la mort et la mort ne se vit que dans la solitude. D'ailleurs... la solitude est éternelle, car elle porte en son sein tant d'ineptie. Elle est la fausse croyance populaire qui tend à vendre le concept de la communauté et de la solidarité. Mais au final... rien. Car dans l'illusion de la complicité, ne peut surgir que la déception. Quoi de plus cruel de voir et de comprendre que l'être humain n'est qu'insatisfaction, car il envie ce qu'il ne possède pas. Donc, il en va de même pour les relations, ce qui ne peut que faire ressentir la solitude en son quintuple. La solitude n'est autre que de ne pas apprécier les êtres qui sont proches et donner de l'importance à ceux qui nous sont inaccessibles.

Toujours vouloir plus ou mieux, c'est voler sur la fragilité de nos ailes inaptes à naviguer sur des airs qui nous sont interdites. Donc, une autre illusion qui use à nous porter vers un lieu où la déception y érige des récifs en guise d’accueil. 

Le monde s'abreuve de rêves, et la raison en est fort simple... Le monde réel est cruel et ne permet que trop peu d'émancipation sur ce dernier. La descente aux enfers, toujours au pluriel de par sa définition, ne fait que s'accentuer au fil de l'étiolement d'espoirs vains... 

Bref, la terre n'est qu'une transition qui ne sert qu'à briser les os de ceux qui la composent... Et pourquoi... assurer sa survie et rien d'autre. Nourrir l'équilibre de cette entité qui n'a cure de ceux qui la parcourent. L'histoire l'a mainte fois démontré... Tous meurent et l'extinction est un processus naturel...

Alors... à moi de te poser la question qui te brûle les lèvres... pourquoi toi??? » 


Dans un silence qui ne peut qu'être après ce monologue funeste... Clara revint à elle... Le temps n'avait pas bougé d'un iota et pourquoi elle était déjà épuisée... Son reflet dans la glace lui donna froid dans le dos... Grise, elle était grise. Aucune parcelle de lumière ne la parcourait à présent et toutes les croyances, jadis chères pour elle,  se révélaient... futiles... Exactement comme elle se l'était fait clairement expliquer par l'ombre d'elle-même... 

dimanche 2 octobre 2016

Un matin comme les autres, partie seconde

Brume de délire sur un fond d’incompréhension, Clara nageait dans le flou de son inconscience. Palpant sa nature en quête de la réponse qui lui glaçait les lèvres. La vie était-elle encore en elle.

Peau de satin caressant sa carcasse encore gelée, le noir l’envahissait de sa dure réalité. Ses dents claquaient à tout rompre tellement qu’elle avait peur de les abîmer. L’angoisse en prison de liège fiévreux, les seuls barreaux qui la maintenaient dans cet état de transe étaient la peur qui le tenait en otage. Le froid qui l’habitait lui faisait craindre le moindre mouvement, car de se rompre elle redoutait, telle la pellicule fragile sur la peau d’un lac en dormance.  

Son souffle expulsait du givre en buée d’embrun avant de se déposer sur son front. Quelques cheveux lui collaient sur la peau et elle n’eut d’autre choix que de les endurer de peur de bouger. La mort lui piquait la peau et la vie s’exilait par les instants qui fondaient comme neige au soleil.

Le temps mort, si cher une vie cohérente, peut se faire cauchemar dans l’attente de l’inconnu qui risque de frapper à chaque instant. Se distraire elle voulait, mais seuls des scénarios d’horreurs hantaient sa tête qui paniquait de surchauffe en idées folles. Alors que faire sinon que de délirer?
Puis, venue d’on ne sait où, une brise encore plus froide que le néant vient lui chatouiller l’ennui. Légère et vicieuse, elle parcourait son corps à demi nu de par sa vulnérabilité. Elle ferma les yeux si forts qu’elle pensa bien ne jamais ne pouvoir les ouvrir de nouveau. Elle voulut se blottir contre elle-même, mais la morsure du froid se fit alors plus intense gela même ses intentions vaines. Elle détestait être la proie et encore plus quand elle ne pouvait se défendre.

Terreur sur l’antre de ses espoirs amenuisés, elle osa une prière. Réconfort de dernier ordre dans le cœur des abandonnés. Elle psalmodia pour elle-même un mantra biblique sans conviction autre que de tendre une perche à la lumière si loin d’elle à présent. Rituel des derniers instants dans un monde profane, elle était à court d’arguments et opta pour une formule de type mantra et répéta en boucle ses espérances et quémande un salue. Accompagnées à cette ritournelle, mille et une promesses fusent de toute part.

Ce monologue agit telle une bougie dans un corridor de vent, toutefois, la flamme de son espoir vacillait, mais survivait. Elle avait l’intense conviction que quelqu’un l’écoutait et voyait à lui proférer un sursis. Cœur en chamade elle reprit un souffle plus régulier et une chaleur, infime, lui parcourut la courbe de son échine. Elle risqua alors un mouvement léger de ses doigts. Douleur et courbature jouaient de pair dans cette tentative. Elle pianota légèrement du bout des doigts le sol qui l’accueillait.

La surface était aussi froide que le givre d’un congélateur antique. La parcelle de chaleur qui la parcourait peinait à poursuivre son périple régénérant. Cependant, elle sentait qu’elle gagnait en intensité avec ses gestes. Encouragée, elle osa se redresser un peu, question de gagner en altitude et rompre avec le sol qui lui glaçait le corps tout comme l’âme. Pourtant, elle savait que l’âme qui cohabitait avec elle n’était pas réelle ni physique. C’était d’ailleurs ce qui lui flaqua une trouille encore plus grande que la précédente…

Alors qu’elle replia ses jambes entre ses bras, elle fut parcourue par un changement d’air. Il se fit plus intense et les frissons reprirent le dessus sur elle en même temps qu’un rire carnassier qui fit son entrée dans la pièce. Une force inconnue la rabattit sur le sol et la plaqua au sol alors qu’une haleine fétide s’invita dans les narines de la pauvre Clara abattue…

C’est alors qu’une voix s’invita dans ses têtes et les quelques murmures qui s’adressaient à elle la firent hurler d’agonie dans le noir de sa cellule nécrophage…

D’un geste sec, elle voulut s’arracher les oreilles pour ne plus entendre… Pour elle-même, elle fondit d’interrogation à savoir pourquoi elle et la voix qui n’attendait que cette question lui intima une réponse qui l’épouvanta encore plus encore…


dimanche 18 septembre 2016

Un matin comme les autres...(première partie)

Le jour pointait au-dessus de la nuit qui s’estompait. La brume d’octobre léchait les gazons qui basculaient vers leur dormance. Les fenêtres n’étaient pas en reste et les toiles qui s’y accrochaient perlaient en eau du matin. Un des derniers camelots jouait de son vélo pour aller porter, en rouleau, la presse du matin chez les rares abonnés. Lui, seul, pensait que son temps était compté… Le virtuel avait aussi touché les plus petits, comme lui.

Sur le porche de quelques maisons, on pouvait y voir des messieurs en peignoirs, attendre que leurs chiens se départissent de leur digestion. Dans l’attente, ils tentaient de se réchauffer en plaçant leurs mains sous leurs aisselles tout en sautillant sur place, expirant un embrun de vapeur.

Puis, un à un, les lampadaires s’éteignaient. De plus en plus tard, car la nuit en automne gagne toujours du terrain sur le jour. Cycle en rotation depuis l’éternel. La vie n’est qu’une roue qui tourne… Mais parfois, un grain de sable peut rompre cet équilibre, comme quoi, tout est instable, même le changement.

Le réveil sonna trop tôt. Les chiffres en bleus affichés contrastaient avec le noir de la pièce. Les rideaux noirs, opaques, ne laissaient filtrer aucune lumière. Clara les voulait ainsi. Fille de nuit et non du matin, les cadrans avaient toujours été une plaie pour elle. Nombreux avaient terminé leur vie bien avant leur temps. L’humeur en vrille quand ses 8 heures de sommeil n’affichaient pas comble, elle tempêtait autant qu’elle râlait. Malheur à ceux qui voulaient lui tomber dessus en ces jours en lacune de sommeil. Les pauvres…

En grognant pour elle seule, elle déposa ses pieds sur le plancher froid. Un frisson parcourut son corps sans la ménager d’une parcelle de parcimonie. Ce satané chat avait encore dû jouer avec le tapis. Il ne paie rien pour attendre, pensa-t-elle. Rapidement, elle courut, sur la pointe des pieds pour atteindre le tapis de la salle de bain. D’un coup sec, elle régla le chauffage au maximum et patienta. Elle profita de ce délai pour voir à sa déco. Les couleurs commençaient à s’imprégner du qualificatif de "has been". Ce bleu criard avec des touches de vert lime sur les accessoires lui donnait le tournis. Que dire de ce cadre? Une ombrelle jaune sur un fond de ciel ocre. Pathétique. Pathétique était le seul mot qui lui venait en tête en observant cette image tant de fois contemplée.

Cette pause en attente de chaleur fit germer en elle quelques réflexions. Mais qu’est-ce qui fait qu’on se lasse de ce que nous aimions auparavant? Elle tenta de se remémorer toutes les modes qui lui avaient fait acheter tant de trucs qui jonchent les dépotoirs à présent. Et si, et si?

Une décharge électrique foudroya alors sa conscience. En perte d’équilibre, elle se rattrapa sur le pôle du rideau de douche. De justesse, elle retrouva son aplomb, précaire. Son cœur s’emballait dans une estacade qui la menait vers un précipice sur le point de surgir en elle. Quelques perles de sueurs froides naquirent à la naissance de son front. Paniquée, elle se mit à trembler de tout son corps. Ses mains pulsaient sur le mur qui la retenait à présent. Des bourdonnements forts et rythmés lui déchiraient les oreilles. Puis, lentement, le froid, celui qui nous vient de l’intérieur, s’immisça graduellement dans la partie de son corps qui touchait le sol. Elle osa un coup d’œil sur ses pieds et la peur grimpa d’un cran. Ils étaient bleus et quelques orteils étaient déjà en voie de devenir noir. L’impression de givre galopant gagnait en altitude et ses mollets claquaient déjà. Elle voulait fuir, mais son corps ne répondait plus. Elle était prisonnière de sa propre situation. Un cri sourd l’étouffa, bloqué avant même de pouvoir s’extraire de son corps en voie d’extinction. L’air commençait à lui manquer. De rares expirations parvenaient à émaner de ce corps en proie à l’agonie. Quand, du coin de l’œil, en un éclair, son propre reflet dans le miroir la fit bousculer dans le noir de son exil…


Nuage de gris en guise de duvet sur son corps qui tombait amorti sa chute. La peur lui privait du courage d’ouvrir l’œil. Celui qui lui donnerait l’information qu’elle espérait tant. Qu’est-ce qui lui était arrivée? Où était-elle? Était-elle encore vivante?


Le vent

Tu es mon ami depuis toujours
Toi, le vent qui me plaît tant
Oui, tu es vraiment un amour 
Tu souffles de temps en temps

Et j’éprouve toujours de la joie 
A te sentir glisser sur ma peau 
A ce moment là je sais que c’est toi
Qui vient me stimuler de nouveau 

Lorsque l’été parfois tu disparais 
A l’occasion des chaleurs épaisses 
C’est comme si tu m’abandonnais 
Je me demande pourquoi tu me laisses 

Mais quand tu me fouettes le visage
A ce moment là je suis enchanté 
Et je me moque bien du paysage 
Je me laisse aller à ma volupté

samedi 17 septembre 2016

Un matin

Une goutte de rosée
Luit sur la branche
Une fleur s’ouvre
Le vent caresse les feuilles
La lumière s’installe
Et la journée commence

jeudi 8 septembre 2016

La fin de l'éternité

Le temps se berce à son seuil
Récif en éclats d’embruns anthracite
Vagues assoiffées léchant leur destin
Mouvements en séquence calculés
Métronome d’une frise en temps compté
Balancier entre deux tantôt
Extrême en déclin de son retour

Le temps se berce à son seuil
Au ridicule de son insignifiance
Face au terme de l’éternité
La vie comme la mort se sourient
Rictus en coin sur un visage immuable
De leur infaillibilité, de leur fatalité
Jumelle d’opposition sur un acte commun
Et demain déjà, encore hier

Le temps se berce à son seuil
Et le venin de l’infini
En fiel d’immondices
Amas en tertres aqueux
Se répand sur une mer sans rive
Se jouant de l’horizon en ligne courbe
Du déclin d’une terre sans abordage

Le temps se berce à son seuil
Et à ses côtés
En compagnon fidèle au visage pâle diaphane
Le rien de son néant semé
Noir en trou béant
La fin sous cette ivresse écarlate


mercredi 31 août 2016

Bonne rentrée!

Rires en dyade de fou rire
Yeux en larmes de joie
L'enfance de l'art
À coup sûr
Nous bonifie
De sa simple compagnie

jeudi 25 août 2016

Souper de famille

L’heure sur la cuisinière indiquait les 16 h 15. Un modèle vieille génération qui fonctionnait avec des ronds en serpentin noir. La marque n’existe plus depuis que le fabricant avait voulu innover dans les années 80. Une technologie qui n’a vu que le jour, avant de s’éteindre aussitôt. Celui qu’elle avait datait d’avant la déchéance de la compagnie. Le type d’appareil où l’on devait y mettre des assiettes d’aluminium sous l’élément afin de s’éviter le nettoyage éreintant. Elle était jaune pâle et les boutons étaient tellement usés qu’il était impossible d’en lire les chiffres jadis inscrits en noir sur un fond gris. Quelques éclats de peinture avaient cédé trahissant les déménagements ainsi que les aléas de la vie de famille. Elle l’aimait bien et jamais elle n’avait songé à s’en départir pour ces nouveaux appareils plus modernes… Elle avait eu sa leçon. D’ailleurs, elle leva légèrement le couvercle du chaudron en fonte avec sa cuillère en bois. De la vapeur s’en échappa, embua ses lunettes, mais ses narines en la recueillit sans trop de perte. Lueur de satisfaction sur son visage. Sourire étroit entre deux airs soucieux.

Sa famille arriverait bientôt. Elle aimait tant ces dimanches soirs. Elle les aimait, mais à chaque fois, un stress cohabitait avec cette joie effervescente. Équilibre entre deux sentis, elle était alors bien et c’est tout!

Dans une pause bien méritée, elle se permit de s’assoir quelques instants sur sa chaise berçante. Celle qui était tissée et qui ne nécessitait aucune mécanique. Non les mécanismes dans les chaises étaient pour elle, une complication de plus. La simplicité, elle préférait. Intérieurement, elle savait que c’était parce qu’elle n’y connaissait rien, mais elle s’avisa bien de ne jamais le mentionner. Son dos la faisait souffrir. Ses longues heures debout à cuisiner et la douleur qui l’accompagnait étaient le triste écho de son âge qui gagnait en nombre. Bien malgré elle, surtout en dépit.

Ses yeux, ornés de mille et une rides, chacune d’elle ayant son histoire s’esclaffait-elle afin de dédramatiser le poids de sa vieillesse. Vieillir, même en sagesse, c’est quand même vieillir se dit-elle alors qu’elle massait son visage flétri. Or, ses yeux, elle les ferma, le temps d’un 5 minutes, le temps d’un souffle, le temps qu’il faut, qu’il faudra.

Dans sa tête, elle se voyait toute petite, dans son jadis éloigné, hors d’horizon, hors d’atteinte et y plonger lui donnait le vertige. Comme un film en noir et blanc sur un ruban de 8 mm après avoir déversé son contenu sur le projecteur.

Comme une bulle de savon qui éclate, en écho, en effluve, en apesanteur, un souvenir s’offrit à elle.

Pluie de fleurs sur mon tapis vert, elle errait, allongée sur le sol, en vagabond, de nuage en nuage. L’herbe sur laquelle est était posée, récemment taillée, lui piquait le dos. Le temps est différent quand on n’en a cure. Le pouvoir de ne pas s’en soucier, le bonheur de ne pas à s’en soucier. Le luxe de s’en moquer pour mieux le défier. 

Installée de la sorte, la vie la parcourait telle une autoroute sans entrave ni ralentissement. Ses sens se décuplaient de par tout ce qui la touchait et l’entourait. L’herbe en biseaux taillés stimulait des zones inimaginables et innombrables. L’air en parfum de verdure la saturait de par sa proximité avec sa source. Les boutons de lavande l’odoraient de son nectar subtil et agréable. La rose, décolorée, la framboisait de sa ressemblance en octave olfactive.

Immolé dans ce souvenir, le 5 minutes prit de l’ampleur et gagna en importance. Cette fois, le tableau qui s’offrait à elle était bien différent, hélas…



jeudi 18 août 2016

Lune d'un 18 août

Perle de nacre en phare de nuit
Onde et onde immaculée bascule et brouille
Les repères des voyeurs nocturnes

Pleine de lune
Ce ciel d'été 
Ploie jusqu'à terre

Pour que 
En ombrelle lumineuse
L'astre unifacée irradie de sa beauté 
Sur nos visages éclairées


lundi 18 juillet 2016

Vendredi soir, fin...

Il rehausse ses épaules, en alternance de sa gauche vers la droite. Renifle bruyamment. Puis, il fige. Black-out total. Plus rien, il se transforme en statue de sel. L’incapacité totale de bouger, de jouer, de faire ce qu’il devait/doit faire. Ses yeux jouent en staccato de dentelle dans une valse de va-et-vient, puis se ferment pour ne plus s’ouvrir. Il ouvre alors la bouche et tourne la tête dans notre direction, il semble vouloir nous parler, dire quelques mots, mais rien… Puis, d’un mouvement sec, il froisse sa feuille de partition. Il la roule en boulette et la jette vers l’arrière-scène d’un air neutre et détaché. Il sait qu’il n’en aura plus de besoin. D’ailleurs, tout semble l’exaspéré car de long et sifflant soupirs s’échappaient de sa bouche.

Quelques craquements de chaises jouent d’impatience et de surprise contre le temps qui s’éternise en goutte à goutte procrastinée. Certains toussotent dans le vide à combler de ce silence qui hante le cœur des délaissés. Le barman reprend le lissage de son comptoir et en profite pour remettre de l’ordre sur ce dernier.

Dehors la nuit s’écoule, passe et s’éternise. Les voitures circulent d’indifférence avec leurs roues qui éclaboussent les trottoirs d’eau de pluie et les passants imprudents. La lune, quant à elle, pleure quelques étoiles filantes qui s’étiolent dans le firmament. Un chien aboie en guise de chant tandis qu’un chat fait tomber les ordures d’une benne trop pleine. Le vent souffle peu à présent, il s’éteint tout comme la nuit.

Moi, j’attends et je comprends cette attente. Ce pianiste, ce musicien, cet homme a peur. Peur de rompre la magie du moment, de ne pas être à la hauteur de la situation, de décevoir, encore une fois... D’ailleurs, je vois ses mains qui tremblent, légèrement. Il vit une pression énorme telle une masse sombre sur ses épaules qui décantent et pointent vers le sol de sa descente aux enfers, mais lui, il tente de la masquer par un calme sincère seulement en apparence. Ses yeux sont toujours fermés. Il plisse le front pour les maintenir dans cette position. Il brûle, je le sens, je le sais, de les ouvrir… Mais la réalité est trop brute pour lui. Il a craqué, il est cuit, il est déjà dépassé, du passé. Sa vie a un arrière-goût âcre qui lui fait mal quand il ose avaler sa salive qui se raréfie.

Des huées commencent à fuser de la part des spectateurs. La colère monte, les pauvres, ils ne savent pas ce qu’ils font. Ils ne font qu’amplifier la tension que vit cette épave immobile qui attend, les mains tendues, les yeux fermés, le front plissé et le vide qui l’habite.

On le sent qui est torturé par cette volonté qui s’est volatilisée, qui s’est dérobée, l’abandonnant à son triste sort. Ambivalence entre le risque à prendre et la peur de perdre, d’échouer…

Certains se lèvent bruyamment en le maudissant et quittent sans replacer leurs chaises. La hargne au bout des lèvres, ils brandissent le poing en sa direction et lui, lui… ne bouge toujours pas. Étrangement, il semble satisfait de ce qui se passe. C’est comme si, intérieurement, c’était ce qu’il espérait, ce qu’il voulait… Vivre et confirmer ce qu’il savait depuis trop longtemps, il aurait dû… arrêter au bon moment et ne plus se donner en spectacle. Timing, mauvais timing et déni de l’évidence.

Un bruit me fait sursauter, derrière moi, un homme en rage, enragé, se dresse subitement, le sentiment d’être lésé. Sa chaise tombe et fait valser sur le sol sa consommation déjà bue. En colère, il insulte le joueur inanimé et lui lance ce que sa main trouve, un sous-verre de carton. Le pianiste, en berne, ne bouge toujours pas, stoïque en apparence.

Encouragée par ce criard de grand chemin, la salle se vide ne laissant que le barman désabusé, moi et le pianiste toujours immobile. Un silence de mort s’installe alors. Nous trois sommes figés. On ne peut bouger, ni parler, ni agir. Incapable de rompre ce bloc de froid silence qui nous drape tel le mortier figé sur la paroi d’un mur isolé. Même la ventilation asthmatique s’est tue. Je ne le lâche pas des yeux et j’attends.

Une lumière s’éteint, puis une autre. Le glas de la soirée s’amarre sur la scène monopolisée par cet être qui ne semble pas vouloir partir. Le barman verseur de liqueur alcoolisée n’en peut plus et joue de ses doigts pour fermer les lumières de la scène recouvrant de noir l’illustre mime occulté, improvisé. J’use de ma patience pour attendre la suite qui ne tarde pas à se matérialiser.

C’est alors et simplement à cet instant précis que la magie opéra… Une note isolée s’abat dans la nuit. Franche et pourtant discrète, elle rompt cette morosité depuis trop longtemps installée. Celle-ci fit sursauter le barman aseptisé. Une autre s’invita à la précédente et s’en suivit une mélodie tout en mélancolie. Jamais de ma vie, je n’avais entendu une musique aussi pure que celle-ci. Simple, mais complexe où les émotions valsent, le pied léger, éthéré. Je ne pouvais m’empêcher de fixer le noir qui jouait devant moi. Je ne peux expliquer comment il peut jouer de la sorte sans voir le clavier devant lui. Le barman, ému, ne put s’empêcher d’ouvrir à nouveau les lumières.

Première surprise, les mains du pianiste étaient dans son dos. On le découvre alors tête baissée, les épaules sursautant de tristesse. Regard en complicité avec le pourvoyeur de boisson, on joue d’incrédulité face à ce spectacle que nous ne verrons plus jamais. Les larmes… s’étaient les larmes qui pianotaient pour lui et toute la détresse qu’il vivait s’étaient matérialisée en virtuose de la mélodie.

Le temps venu, alors que les larmes ont séché sur les touches noires et blanches, le pianiste lacrymal se lève, s’incline en guise d’humilité face à son auditoire restreint et quitte sans rien dire.

Emmuré dans mon étonnement, je reste assis à m’émerveiller sans bouger. Contempler l’impossible et y croire, voilà ce qui fait que mes vendredis soirs sont toujours ainsi, réussis. Puis, quand l’heure de la fermeture sonne, je quitte, encore une fois pour revenir la semaine prochaine…





mardi 12 juillet 2016

Présence.

L'oiseau touche la vague du bout de son aile!  
Taquinerie? Désir de rapprochement? 

La marée descend et des roches éparpillées surgissent les unes après les autres comme autant de têtes reprenant leur souffle. Je suis témoin du vent qui soulève la vague et conjugue, tel un maestro, la musique marine.

L'horizon est percé par une bouée rouge indiquant la voie maritime. 
Un imposant paquebot pointe le nez en direction de Montréal sur ce fleuve large comme une promesse, contenu entre des parenthèses côtières chapeautées de coquets villages.
Le ciel offre des fenêtres montées en neige, des îles longues et transparentes, des entrées secrètes invitant le rêveur à faire un détour.

La plage se dévoile lentement, comme une mariée pudique, laissant quelques ruisselets déverser encore leur contenu vers la grande surface aqueuse, dans des zigzags et des brillances de métaux précieux!

Le propriétaire d'un chalet aux couleurs délavées tond l'herbe déjà haute et repue de chlorophylle. Juillet demande qu'on s'active sur les terrains!
L'astre suspendu diffuse une ombre fraîche sous les grands conifères presque immobiles. 
Je devine une dame à demi-assoupie, visage sous le bras, bien enroulée dans son hamac.

Pendant que la grève blafarde laisse poindre des herbes aux têtes inclinées, telles d'élégantes demoiselles filiformes ondulant sous les ailes du vent, je ressens une présence suprême recouvrir les lieux.

Hélène Gonthier
Tous droits réservés.
12 juillet 2016.

lundi 11 juillet 2016

Lune à tiques

La nuit brillait de son absence de lumière, partielle. Partielle, car les nuages jouaient à saute-mouton avec le soleil en déclin dans son couchant qui brûle l'horizon. L'air chaud, l'humidité instable d'un chien et loup et le chant des criquets en arrière-scène meublaient les sens des habitants encore debout pour en savourer l'essence.

Un homme solitaire pourtant sombrait avec le jour. Les mains dans les poches tout comme ses yeux. Sa veste beige en tweed usée sur le rebord de son col cachait une chemise de la même couleur. Ses cheveux parsemés de brun et de roux se bataillaient pour ne pas être coiffés. Tandis que ses souliers, blancs de souvenir, se soulevaient à peine. Il flottait ou survolait tout comme. 

L'être en peine marchait dans son silence apparent, car en lui, vivait un vacarme éternel. Sa propre vie, en liesse, en peine, perlait en minces gouttelettes salines sur sa joue. La vie en fardeau de fagot sur son dos rond, ses yeux ne pointent que vers le sol.

Jouant avec un caillou qui entravait sa route, il le frappe tant qu'il est à sa portée. Une voiture passe et poursuit sa route. La lumière des phares s'étiolait au gré de son éloignement. 

La lune chapeautait à présent sa tête et les étoiles tissaient en sémaphores immaculés les grandes lignes du ciel lacté. Il était loin de chez lui et pourtant pas encore assez, selon lui. Un parc isolé l'attendait au détour d'un coin de rue. Des arbres en cierges éteints parsemaient l'aire gazonnée. Bouleaux décrépis, chênes majestueux, érables bataillant pour un coin près d'un saule éploré. Un lac artificiel siégeait au centre de cet endroit qu'il connaissait déjà. Un pont le traversait, rudimentaire, mais fonctionnel. Quelques grenouilles et crapauds chantaient en guise de bonsoir. 

S'y accouder il fit. Les yeux perdus dans l'errance de sa fuite, il fixait le vide. Le cœur lourd, il soufflait à s'en extraire l'angoisse qui le consumait. Immondice en souvenir de ses mémoires trop que noire, ses épaules tombèrent d'avoir trop longtemps tenues bons. Voûté, et éteint il pleura d'abondance d'être ce qu'il ne voulait pas. Spasme en diapason avec les ondes que ses larmes formaient sur le lac, il tremblait de chagrin, de désespoir, d'éternité passagère. S'extraire de lui, il voulait, changer de peau et revêtir ses rêves d'antan, d'autrefois, du temps où il y croyait encore, mais pourtant dans un hélas pesant, il fondit en silence. 

Soubresauts en esquisse de vie, le calme ambiant le terrassait,  lui, qui voulait taire son propre vacarme. Un oiseau de nuit passe et rompt sa solitude. Cherchant l'origine de cette rupture, il croisa la lune qui lui faisait face. Et, dans un écho de son lointain enfoui dans son antre, les poings fermés, blanchis d'être fortement maintenus ainsi, il prit son souffle et prépara sa rengaine. Vibrant dans l'ensemble de son être, son cri tritura le silence de la nuit et même l'indifférence qui passait dans la rue, ne put s'empêcher de trembler face à cette requête qui pleurait dans sa voix. 

—Lune, ô Lune, toi qui nous surplombes de ta céleste nuit, écoute ma demande. Je t'implore de m'accorder ta grâce en souhait bonifié. Je me suis trompé dans mon tournant, et depuis, j'accumule mes regrets en compagnons de séjour. Puisses-tu, dans ta volonté qu'abonde ta blancheur, je t'en conjure l’exhausser. Je me suis trompé de vie, ramène-moi d'où je viens je t'en supplie. 

Et voilà, le silence revient. La lune continua de briller et l'âme solitaire ferma les yeux, tandis que l'indifférence reprit la route.


mardi 28 juin 2016

Vendredi soir, troisième partie

Les quelques marches qui me séparent de mon refuge, tremplin inversé, me font le plus grand bien. Serein serait plus juste comme mot. L’odeur d’humidité se mélangeant à l’alcool rend ce lieu unique. Brindille de folie dans une balle de foin, je peux respirer à présent. Ma main tient d’une légèreté apprise la main courante en bois de chêne. Beauté tout en grain, elle est lisse par endroit et rugueuse en d’autres lieux. L’usage du temps ne laisse rien au hasard, ainsi je franchis les derniers mètres et entre enfin dans mon antre, mon sanctuaire, mon temple. L’entre lieu qui se situe dans l’ambivalence du temps, dans le non-temps, l’infini du bonheur en exil. Une larme solaire/solitaire glisse de ma joie soudaine d’être enfin chez moi.

La musique joue à son habitude des notes feutrées, les quelques habitants de cet endroit ne se retournent même pas à mon arrivée, je suis un des leurs et j’aurais et ferai la même chose qu’eux. Loi non dite du non-dérangement, tous ont droit de venir sans se sentir observer, juger. Bref, tous sont accueillis comme des êtres égaux et acceptés comme ils sont. Confrérie sans rang. J’aime y être. Le temps ne semble pas y imposer sa loi. Non, au contraire, tout s’arrête.

Je me pose sur un comptoir en guise de transition. Le barman, d’un simple mouvement de tête entend ma commande. D’un calme déconcertant, méticuleux et délicat, il me tend le contenant de mon habitude. L’avantage d’être un client régulier. Je règle la note et me dirige vers le siège. Le plancher colle par endroit, liquide gaspillé, séché, oublié. Mon siège s’offre à mon siège que je pose sans attendre. Le tissu usé n’offre plus que le souvenir de ses motifs anciens. Je préfère les chaises aux banquettes. Elles sont plus stables et la levée du corps est plus facile, même quand les vapeurs de l’alcool nous embrument l’esprit! Je pose mon breuvage sur la table métallique. Un sous-verre de carton en publicité inefficace se glisse entre celui-ci et la table. Le mince collet de mousse s’étiole au gré du temps qui passe avant que je lui fasse honneur.

Sur la scène, les rideaux en rouge velours, noués vulgairement par des boucles grises. L’éclairage est tamisé, avec quelques vides. On y voit la poussière qui vole en suspension. Plusieurs ampoules n’ont pas été changé, depuis toujours ainsi, statu quo dans l’inadvertance du décor à maintenir ainsi et à jamais. Le charme de ce manque est toujours réconfortant, rappel de l’imperfection omniprésente dans ce monde qui se voile de fausse perfection. Que j’aime cet endroit!

Un piano trône en icône au centre de la scène. D’un noir poussiéreux avec quelques notes blanches devenues jaunes avec les milliers de fois martelés par les doigts nicotinés des pianistes. Cet instrument possède son âme propre. Il parle de sa voix unique. Le musicien n’en est que l’accessoire. Son histoire se lit sur les traces qui ornent son bois. Plusieurs verres se sont vidés sur lui dans toute l’indifférence du gaffeur. Ses pieds sont des œuvres d’arts méprisés, car pratiquement invisibles. Ils sont taillés en forme de serres d’aigles. On retrouvait les mêmes sur le tabouret, mais ce dernier a disparu depuis belle lurette. Victime d’une chute suite à la maladresse d’un musicien ivre de sa performance, médiocre à ce que l’on raconte. Le pauvre a subi les foudres inexcusables de cet imbécile. Les gens ont cette manie de s’en prendre aux innocents quand ils sont eux-mêmes pris-en en faute. Immaturité du système humain.

La musique se tait alors. Signal parmi les signaux qui indique l’heure de la prestation. Le silence s’éternise, on toussote. Les chaises crissent sur le plancher dans un ajustement accessoire. Quelques-uns se pressent au bar pour quérir leur ultime consommation avant le début du spectacle. D’autres se dirigent vers la vidange urinaire pour expulser les extraits d’alcool qui pulsent dans leur corps. Les artistes sont toujours inconnus du public. Anonymat dans le berceau de la quête de la reconnaissance. Fleur d’espoir dans un monde qui n’en a rien à foutre du succès des autres, tant que le silence se tait pour assourdir les voix qui hurlent dans la tête des occupants. Nous sommes tous ici pour les mêmes raisons. S’effacer le temps d’un moment, le temps d’une pause, accalmie entre deux temps.

Puis, des pas claquent sur le bois de la scène. Lent et régulier. Leur écho tambourine jusqu’au fond de la salle. Ils attirent l’attention de tous, car jamais on ne les a entendus. Nouveauté en guise d’introduction à cette soirée qui palpe l’envie d’un autre « encore et encore »… Les pas se font plus lents encore. Il arrive sur le seuil du visible. On le distingue à peine à cause de l’endroit où il se tient. Mi- ombre, mi- lumière, il oscille entre les deux. Il s’arrête et nous regarde. Il scrute la salle, l’analyse, compte les têtes et évalue son effet sur les spectateurs. Il avance afin que l’on puisse le contempler davantage. Ses cheveux sont noir ébène et plongent en valse sur ses épaules vautrées. Ils ne sont pas très nombreux sur l’ensemble de sa tête. En fait, la longueur semble vouloir combler cette perte capillaire pourtant répandue pour la majorité des hommes de cet âge. Il porte un tailleur vert lime. Audacieux dans le choix de cette couleur plutôt réservé au plus jeune. Sa chemise en d’un blanc cassé et porte des boutons grossièrement surdimensionnés. À bien y voir, je discerne des rosaces bleu foncé. Ses pantalons de lin bleu tombent droit sur ses souliers couleur crème. Incongruité dans le décor déjà hétéroclite, ils portent des bretelles lignées rouge et jaune.

Dans un geste lent et précis, il porte sa main à l’intérieur de sa veste et en sort une feuille de partition pliée en quatre. S’incline dignement en guise de salutation et va se poser sur le tabouret. Il nous regarde une dernière fois, hoche la tête se retourne. Toujours avec le même calme, il hausse ses bras dans les airs pour retrousser ses manches sans y toucher. Ajuste le tabouret de deux coups secs vers la gauche et un dernier vers l’arrière. Satisfait, il place sa feuille sur le lutrin ajouté à la coiffe du piano. Celle-ci peine à tenir en place. Elle tombe malgré la volonté du pianiste qui ne se surprend pas dans la réaction de sa partition. Avec son calme exemplaire, il la prend, tente de la moduler en tirant des deux extrémités afin qu’elle retrouve son aplomb. Seconde tentative. Réussie. Elle obéit maintenant à la volonté de son compositeur. Il refait les mêmes gestes parce que la récalcitrante avait fait échouer son rituel de mise en marche. Les bras en l’air et le tabouret et enfin il avance ses mains du clavier.

La salle est en attente dans l’impatience qu’on lui connaît. Cependant, nul ne veut presser cet homme qui impressionne de par son calme et sa confiance malgré ses airs particuliers. Même le barman s’est immobilisé et patiente sans bouger, lui qui a la fâcheuse tendance de pianoter de ses doigts longs sur le comptoir en regardant d’exaspération le plafond quand un client hésite à choisir son breuvage.

La tension est palpable et tous volaient d’envie d’enfin entendre les notes chanter de ses cordes frappées par les petits marteaux encastrés. Le silence, lourd et épais, étend son voile sur les visages des êtres torturés qui patientent depuis trop longtemps la venue d’une mélodie venue faire taire celle de leur tête encrassée.

Le pianiste ferme les yeux, étire ses doigts et…




mardi 14 juin 2016

Vendredi soir, partie 2

Dans l'écho de ma nuit, lune de ciel en hochement de tête me fait signe d'avancer. Comment ne pas obéir face à l'autorité de cet astre immaculé. La pluie s'amenuise en gouttelettes parsemées. Elle semble s'essouffler, peut-être a-t-elle fini de pleurer. Moi, jamais je ne pourrai cesser. Mon cœur de pierre saigne de voir la vie se consumer sans que je puisse même effleurer le bonheur de pouvoir vivre un peu. Vie de bohème oubliée dans les décombres de ce que je valorisais dans mon jadis pourtant pas si lointain.  Me plaindre je pourrais, mais accepter j'ai fait.

D'un pas lent et régulier, résigné, je poursuis ma marche. Mes chaussures en toile noire sont à présent humide et l'inconfort qu'elles me donnent gêne ma démarche. Je n'aime pas me sentir incommodé, mais la nuit est ainsi faite. Le feu rouge qui me fait face me force à attendre. Patienter entre deux allers. Bref, brèche en soupir d'une foulée refoulée. Une voiture à ma gauche tourne au ralenti. Les occupants lèvent les yeux vers le gyrophare. Le conducteur semble impatient, car de sa main droite, il pianote le volant de cuir gainé. C'est un homme, probablement fin cinquantaine à voir le pli en vestige et en souvenir de ses années passées. Le temps ne façonne pas uniquement le paysage, il burine aussi le visage des gens qui passent. Cicatrices naturelles en vallons et sillons, elles obligent les porteurs d'afficher leurs vulnérabilités. On peut aisément reconnaître ceux qui ont de ceux qui ont trop pleuré.

La passagère, elle, fixe le néant, égarée dans le siège d'une pensée savoureuse à voir ses yeux briller. Quelques spasmes au niveau du coin de sa bouche me laissent croire que son voyage la fait rêver. Elle sourit dans sa voltige vaporeuse. Puis, sans comprendre, elle revient sur notre monde, notre réalité. Elle fait un tour d'horizon afin de bien saisir le lieu où elle se trouve. C'est alors qu'elle me regarde. Un regard si franc et perçant sous lequel les iris bicolores me transpercent d'impertinence dans mon inviolabilité fragilisée. Je suis toujours mal à l'aise dans ces situations. Comme si cette relation, éphémère certes, était intrusive, mais pourtant dénudée de tout artifice, d'une sincère franchise parce que le temps ne nous permettra pas de la continuer, alors pourquoi se mentir...

Je risque un sourire qui m'est retourné. Cet instant est figé dans le temps. Tout s'arrête et je me sens bien. Flirter avec le bonheur, en goûter le fruit, en sentir la fraîcheur, quitter l'amertume et se sentir léger... comme j'aime voler. Fracas de verre dans ce moment unique, rompu cette sensation qui s'étiole par le vert qui annonce le départ de la Dame au sourire.

Ne reste que le souvenir, et déjà...et déjà... elle s'enfuie

Je traverse le pavé encore humide, le corps amer d'avoir vécu.   L'antre de ma destination se dessine devant moi. Un demi-sous-sol où se massent les gens en quête de d'oubli sous un couvert de musique feutrée et d'alcool bon marché. J'aime cet endroit, il me ressemble, il est moi en quelque sorte. Communion entre deux entités qui se fondent de par la nécessité de s'unir. Symbiose des amants. Je ne suis pas le premier arrivé. D'autres y sont depuis un moment. Eux aussi ont besoin de ce lieu pour vivre encore un peu. Se soulagé du quotidien par la normalisation commune du mal-être. Solidarité entre semblables amenuisent la lourdeur parce que répartie en plusieurs. Un miroir est toujours un reflet, le nôtre, tandis que partager allège et givre d'un baume nos douleurs, le temps d'une soirée, jusqu'à la prochaine.


Je pousse la porte et entre. La musique qui joue se fraie un passage difficile à travers les caisses de son usées par le temps. Tout est à sa place. Encore et tant mieux.