samedi 31 janvier 2015

Flumen

Je me souviens d'un temps où l'Homme n'existait pas.

 D'un temps où les hominidés, déjà, me confiaient
leurs maigres biens à transporter.

Je me souviens d'un temps où ce druide me vénérait
 et où des filles blanches venaient, nuitamment,
danser en ronde sur mes berges.

Je me souviens du temps où l'on menait le bétail se désaltérer
 et où les chiens de chasse s'éclaboussaient de joie en me traversant.

Je me souviens du temps où cet enfant me puisait pour arroser son jardin
 et où le meunier me reliait à son moulin pour moudre le grain.

Chacune de mes gouttes reflète la danse aérienne du héron,
 les miroitements de la perche et le chant lancinant de la rainette.

Chaque méandre raconte le temps infini et la patience éternelle
 de l'érosion sur ma prison de roche granitique.

Chaque bras trace l'espoir d'une rencontre inattendue,
 d'un ailleurs lointain ou d'un ici renouvelé.

Chaque ombre grouille d'une vie précieuse et délicate,
cachée entre lit et draperie de l'onde.

Jamais je ne me détourne de mon cours, de mon but, de ma réalité.

Parfois je charrie vos restes, vos loisirs ou vos nécessités.

Souvent je réalise mon rêve de liberté.

Toujours je voyage vers demain.

 

mercredi 28 janvier 2015

Motivation perdue...

La motivation, étiolée
Dort paisiblement 
Dans le creux de l'engagement...
Fin de parcours oblige souvent
De brusquer son réveil
Pour retrouver enfin
La satisfaction du chemin parcouru
Éclairant ainsi celui à venir 

dimanche 25 janvier 2015

Pause

C’était un mardi, le 22 sur le décan du mois de mai, je marchais en espoir de cause. Mince foulée sur mes pieds à nourrir de moult chemins à transgresser, je déambulais davantage que suivre.

Le printemps, précoce dans sa chaleur à offrir, teintait de sa beauté la nature en office de verdir son univers. L’acte de cheminer et de tendre vers un but à atteindre dans la foulée qui me composait alors, j’avançais lentement. Le temps n’y était pour rien, car je ne voulais en rien le calculer ni le voir. Le chemin sur lequel je flânais n’existait pas, car je le traçais de mes pas. Lente en progression, je me confortais à l’idée que j’étais en action

Une tache violette sur le sol m’apprivoisait de ce récif de fleurs sauvages. Je n’ai jamais compris comment on pouvait qualifier une fleur de sauvage… J’en cueillis une pour l’admirer de plus près. Délicate et si fragile, je l’aimais. Beauté éphémère de cette floraison qui passe en cycle complet.

Épuisé dans l’avancée de ma chevauchée sans monture, je pausais mon temps en guise d’un souffle à reprendre. Poumons embrasés d’avoir que trop peiné à cheminer à tâtons dans le noir de la destinée encore voilée à mon demain.

Le ciel, à demi-feutré, accueillait sans s’en inquiéter un vague d’oiseaux migrateurs. Un grand V en forme de solidarité plane au-dessus de ma tête. Étrange la sensation que ces volatiles peuvent me survoler l’existence. La voie des airs est libre de trajectoires. Seul le vent y partage son espace, tandis qu’ici… tout semble nous barrer la route. Jalousie en comparaison, la déraison peuplait et peuple mon questionnement sans fondement. Après tout, comment pouvais-je nous comparer, moi qui n’ai jamais volé? Dégoûté de mon état de fait, je fermais les yeux le temps qu’ils passent leur chemin… tout comme je voudrais maintenant passer le mien.

L’air était si bon quand on est seul à le respirer, cadeau égoïste que celui du souffleur esseulé. L’air ne nous appartient pas et ne nous appartiendra jamais… D’ailleurs qu’est-ce que ce désir de s’approprier ce qui ne peut l’être? La terre est sans frontière autre que celle que l’on dessine pour se cloisonner entre nos sécurités illusoires.

Un arbre posé sur le flan de mon repos s’offrait en prie-Dieu, tout généreux qu’il est. Teint majestueux en verte chevelure, tableau en bordure de ma route. Je me permis de l’adosser, le temps d’appui, le temps de m’y poser, ne serait-ce qu’un instant. Sa peau en écaille picotait ma tête et perçait mon corps en un massage sans douceur. Ce contact végétal vacillait dans la complexité de son effet sur ma personne éteinte de ce temps alloué…

À la lisière de mon chemin, je regardais derrière moi. Un écureuil passait en sautillant de jolis bonds vagués. Détail en image le temps d’un rien, éphémère est le moment, éphémère est l’événement.

Regardant ma provenance, mes traces, peu à peu, s’effaçaient. La nature ayant déjà repris ces droits sur les miens. Je n’étais donc qu’un passant et rien de plus. Pourtant, au loin, à bien y regarder je voyais bien d’autres chemins qui, eux, survivent…

Un nuage passa et se dressa au travers de la lumière. Ombre en masque sur cette lande parsemée de mes méandres déboires. L’air se para aussitôt d’une fraîcheur temporaire. Quelques frissons coiffaient ma peau en hérissant ma pilosité en garde à vous. Je suis un être réactif, sensible aux éléments.

Soudain, un bruissement de terrain tambourina mes alentours ainsi que le calme dans lequel j’évoluais passivement. Tanière envahie par son manque de clôture ou frontière. Je suis à l’air libre ce que le manque de mur nous expose au grand jour, bref, je n’étais que de passage dans le décor.

L’origine de ce brouhaha se fila à l’indienne dans la cadence parfaitement rythmée de ces marcheurs. Par centaines ou par milliers, il cheminait, têtes baissées, le regard vide éteint. La destination de leur pas ne les importait peu tant qu’ils étaient ensemble, ils ressentaient le lourd poids de cette sécurité de masse. Était-ce donc l’un de ces chemins qui m’était visible au loin?

Mes yeux osèrent croiser celui d’un passant qui, d’un air distrait, lève la tête. Vide dans le désir qui n’est plus, il me regarda d’indifférence dans le travers de sa route. Reflet de ce qui se passe quand l’effet de masse bouffe notre être. Une masse grouillante sans âme ni vie.

Je ressentis de la peine et de la compassion pour ce cortège aux allures funèbre. L’envie me pris de les secouer, de les faire trébucher pour qu’ils sortent de leur état de veille. Ne serait-ce que pour y voir un sourire, un rire ou mieux… une réaction?

La marche passa sans mon intervention. L’herbe sous leur pas foulé ne poussera plus jamais… Pourquoi sont-ils ainsi, pourquoi marchent-ils ainsi?

Intrigue dans la réponse sonnant fausse dans le glas de cette route, est-ce que les routes les plus importantes et prometteuses sont celles qui sont empruntées par le plus grand nombre de passants?

Ne sachant quoi me répondre, je décidai de fuir à nouveau et de tracer ma route en chemin opposé, là où je sais bien que je serai le seul responsable de ma destination, de ma voie, qu’importe ce qu’elle est, tant qu’elle sera mienne.


Un soleil passa et une nuit tout autant. Déjà, et déjà, mon passage fut effacé… ne resta que son souvenir en toile de fond.

samedi 24 janvier 2015

ENTENDS-TU ?


ENTENDS-TU ?

Du fond de mon désert, j'entends hurler le monde.

Ils disent qu'ils n'en peuvent plus de ce sang, de ces crimes et brandissent des étendards couleur d'espoir.
Des mots naviguent sur les idées naissantes et des idées se cachent sous des mots tronqués.
Dans son kesa orange, il pleure son pays sous un joug de haine aveuglée.
Sous ces cartons et sous ce pont, il ne sait même plus tendre la main.
Une pierre dans son poing, il surveille l'envahisseur à sa frontière.
Un crayon à la main, ils tentent encore d'ouvrir des esprits.

Ils disent respect, amour et nature. Ils parlent de nouveautés que nos ancètres pratiquaient et picorent du présent pour un futur possible.
Elle porte une robe de lin pour arroser leur jardin. Il clame “nulle voie hors la démocratie”. Elle pense toujours que le nouveau monde sera pour demain et offre sa parole en baume pour nos blessures.

Ils disent votez, participez, entrez dans la danse macabre du monde. Signez, travaillez, achetez mais votez. Perpétuez nos pouvoirs et notre grand oeuvre mondial.
Les poussières s'acharnent en petits rouages glanant deci delà une miette rassie. Un sourire fragile, un regard eteint et finalement plus rien.

Ils disent qu'un ailleurs existe de compassion et d'infini bonheur. Ils prêchent la joue tendue et l'Homme meurtri.
Et brûlent sur leurs bûchers des âmes immortelles. Ils asservissent les doutes et nourrissent les haines. Ils partagent, mains en coupe, le pain béni de l'intolérance.

Mais, derrière les murs de sa maison de bois où l'hiver jette un manteau de froidure, il conte des mots doux et lance des bouées à la mer.
Sous le figuier au soleil de la Méditerrannée, elle chante de sa voix de rayons de miel une histoire aérienne faite de nuages d'azur.
Enveloppé de sa couverture aux mille couleurs, humblement, il offre des mots suaves et des sons graves, rassurants et tout chauds de son empathie.

Et du fond de mon désert, derrière les cris de douleur, j'entends tinter les notes graciles d'espérance et s'élever les farouches volontés. 

vendredi 23 janvier 2015

« Tu seras la dernière femme que j’aimerais… »

Qui n’a pas, un jour, rêver ces mots ? Moi, je n’y avais jamais franchement pensé avant qu’un homme ne me les dise. Je ne les avais même pas recherchés. Bien au contraire… N’espérant rien de l’amour, comment aurais-je pu souhaiter pareilles inepties ?
Oui parce qu’après moi il y a eu quand même Brigitte, Pascale, Hélène, Raymonde – une femme aussi vieille que son prénom, la mise-en-pli trop parfaite, la robe-tablier fleurie, les bas trop lâches et le sourire pincé des vieilles rombières à la sortie des églises – Eva et Emma, les sœurs jumelles qui ne se séparaient jamais, même dans un lit, et puis Sophie, une jeune blonde aux seins siliconés et au sourire botox qui pourrait presque être sa fille.
Vous vous demandez sans doute comment je peux être aussi bien informé de ses dernières conquêtes. Ne vous méprenez pas, je ne l’espionne pas, je ne le harcèle même pas. Non. Monsieur à tout simplement décider de rester mon confident après notre rupture. Enfin, pour être plus claire, c’est lui qui m’a laissé tomber. Parce que moi, j’étais plutôt bien avec lui. Nous étions, dans un lit, en parfaite harmonie. Il avait ce don de m’emmener bien au-delà d’un septième ciel légendaire, et moi, loin d’être farouche, j’aimais le lier à mes orgasmes  pour l’emporter encore plus loin dans son coït. Nous étions les amants d’un jour, d’une nuit. Selon nos envies, nos besoins. Nous vivions chacun de notre côté, libre comme le vent. Mais attention ! Pas trop loin non plus. Nous devions pouvoir nous retrouver très vite lorsque « Madame Libido » frappait subitement aux portes de notre intime. Aucune contrainte, aucune pression, juste du sexe. Nous n’en demandions pas plus, nous n’en voulions surtout pas plus ! … Jusqu’au jour où s’était éveiller sa fichue conscience !

« Tu seras la dernière femme que j’aimerais… »
Ces mots avaient pris un tout autre sens une fois qu’il avait souhaité mettre un terme définitif à notre relation. Parce que là, il n’exprimait pas son désir de partir en retraite dans un monastère bouddhiste suspendu, par on ne sait quel miracle, sur le flanc d’une montagne tibétaine. Il ne désirait pas non plus faire quelconque vœux de chasteté en rejoignant un ordre religieux qui l’obligerait à chasser de son esprit tout plaisir passé. Et bien loin de lui, l’idée de ne plus jamais s’offrir les vices délicieux que la société savait nous donner avec autant de générosité. Bien que cette idée me fasse encore sourire aujourd’hui, je n’imaginais pas non plus qu’il puisse se retrouver un jour castrer à surveiller le harem d’un de ces tyrans insatiables dans l’immense désert où les chameaux n’étaient pas uniquement les mammifères bossus.

En fait, lorsque ces mots avaient franchi ses lèvres, alors que je ne lui demandais rien de plus que quelques caresses doucereuses sur mon sein offert, j’aurais dû comprendre : « Tu seras la dernière femme que j’aimerais… Mais pas la dernière dans mon lit ».
Ressentez-vous cette frustration dans mes écrits ? Frustration oui, frustration et déception. Je croyais avoir rencontré la perle rare qui pensait le plaisir d’être ensembles plus important que l’amour lui-même. Les disputes et autres mesquineries de couples n’avaient jamais franchit le seuil de notre intimité. Lorsque nous étions ensembles, c’est que nous l’avions, l’un et l’autre décidés. Nous ne pouvions donc n’être que sourire et bonne humeur. Mais ma perle s’était laissée emporter par les marées salées des réflexions et s’était finalement reposer dans l’huître de sa conscience.

Et moi d’admettre que nous nous étions laissés emporter sans le vouloir dans le tourbillon mortel des habitudes. Un rituel quotidien qui devait, définitivement, avoir raison de nos échanges érotiques. Parce qu’il fallait oser se le dire. Chaque retrouvaille sentait le même parfum des torrides passions. Je sonnais à sa porte, il m’ouvrait, me proposait un café que je refusais systématiquement et nous nous retrouvions déjà à moitié nus, dans les bras l’un de l’autre, contre un mur, par terre, sur la table de la cuisine ou sur le canapé, à déchaîner nos corps comme des bêtes furieuses et sauvages. Il me pénétrait toujours avec fougue et sensualité. Et j’aimais ça. J’en redemandais toujours encore et encore. Nous ne faisions alors plus qu’un, les corps plongés dans les mêmes sueurs, les regards absents de toute réalité, les spasmes délicieux qui frissonnaient jusque dans nos entrailles, le cri bestial de l’explosion de nos jouissances. Lorsqu’éjaculer de ce désir intense, il tombait sa tête au creux de mon épaule, nous restions jusqu’à l’apaisement de notre rythme cardiaque. Au souffle retrouvé, nous nous découvrions sous le jet agréable d’une eau tiède où commençaient alors d’autres jeux beaucoup plus sensuels. A partir de là, dans la chambre, nous faisions tout simplement l’amour. Plusieurs fois de suite. Et toujours avec une imagination débordante et différente. Nos préliminaires succulaient nos bouches et nous aimions tester notre agilité dans des positions toujours plus farfelues les unes que les autres. J’aimais nos fous-rires dans ces moments-là. Une complicité que certains couples ne croisent que dans les films à l’eau de rose, ceux qui puent l’amour factice et irréel. Entre deux désirs, nous aimions discuter comme de vraies personnes de nos journées plus ou moins intéressantes, d’un passé difficile ou de quelques projets à venir. Une petite vingtaine d’années nous séparaient. Il avait donc toujours une histoire à me raconter. Un vécu, une douleur, un bonheur. Et j’aimais me laisser prendre à rêver au son de sa voix. Il existait dans ces instants, une espèce de tendresse qui valait tous les coups de foudre de la planète.  

« Tu seras la dernière femme que j’aimerais… Mais je crois qu’on devrait en rester là avant de nous haïr ! ». Nous haïr ? Mais quelle drôle d’idée ? Pour haïr il faut aimer, et pour aimer, ne faut-il pas d’abord s’aimer soi-même ? Tout ce blabla n’était pas pour moi. Je n’aurais même pas dû écouter ses explications et m’en aller sans même me retourner. Je n’avais certainement pas besoin de me torturer l’esprit pour des idées qui ne m’appartenaient pas.

Vous me penser sans doute insensible et dénuée de sentiments. Mais je sais aimer. J’ai aimé tous ces hommes qui sont passés dans ma vie. A chaque fois différemment. Et à chaque fois pourtant avec la même passion. Mais je ne crois pas tout simplement que l’amour puisse être éternel. Tout comme la haine d’ailleurs. Bien sûr, lorsque l’on tombe amoureux – d’ailleurs, quelle drôle d’expression que d’utiliser le verbe « tomber » pour parler d’amour, ou peut-être pas après tout, tomber peut faire beaucoup de mal, l’amour aussi – je disais donc que lorsque l’on tombe amoureux, on se rapproche inévitablement du gouffre de la stupidité. On ferait n’importe quoi pour l’autre, et l’on dit pas mal de connerie aussi. Les « je t’aime à en mourir » finissent souvent par des « je vais te tuer » (sauf sans aucun doute dans la chanson de Cabrel, mais ça, c’est une autre histoire – de Gérard Blanc celle-là !). Les « Tu es la femme de ma vie » par « tu m’as beaucoup amusé cette première décennie ». Bref, je pourrais vous en écrire des dizaines comme celles-là ! Mais à bien y réfléchir, il est vrai qu’il serait déconcertant d’entendre Monsieur le Curé prononcé un : « Jurez-vous de vous aimer jusqu’à ce que le divorce vous sépare ? ». Quel cynisme ! Mais oui, je crois fermement que derrière ce sourire du « je m’en fous » se cache les rides d’un cynisme profond, que même la meilleure et la plus chère des crèmes n’arriveraient pas à estomper. Pourquoi vouloir changer ce que nous ne pouvons pas ? Derrière chaque chirurgie esthétique se trouvera toujours la laideur de notre âme. Nous n’y pouvons rien. Notre caractère est bien planquer dans nos gênes. Et même si nous arrivons à le leurrer un temps, il réapparait toujours pour nous imposer sa volonté d’être.

« L’ huître » molasse et visqueuse de sa soudaine prise de conscience lui crachait dans les veines un désir d’échanger quelques futilités devant un vieux film des années 60. Lui manquait disait-il, de devoir s’excuser pour être entré dans la salle-de-bain pendant que Madame se démaquillait le soir. D'éteindre sa lampe de chevet sans avoir à lui faire l’amour. De dîner en tête à tête devant un bon repas qu’elle aurait amoureusement préparé dans la journée. D'entendre chanter dans son salon, une voix féminine autre que celles chargées de grésillements dans son vieux transistor. De se promener, main dans la main, jusqu'au parc en bas de chez lui, pour sortir son chien et jeter quelques miettes de pain aux moineaux. De se faire la gueule quelques heures pour des broutilles et très vite se réconcilier dans un claquement de baisers sur les joues.  De se regarder sans vraiment se regarder. Vétilles dont je le croyais immuniser depuis un pénible divorce qui lui avait laissé un arrière-goût de souffrances morales. Mais c’est à ce moment-là que j’ai compris. J’ai compris enfin qu’il espérait tout simplement trouver dans ce quotidien mortel, une parade à sa solitude. Il se sentait vieux et notre différence d’âge lui laissait supposer que j’aurais un jour l’envie d’aller voir plus exubérant, plus frénétique, plus mordant que lui. Je ne pouvais que le féliciter d’avoir autant de courage pour oser prendre cette « sale » décision, parce qu’après tout, qui pouvait vraiment savoir de quoi serait fait demain ?

Je n’ai rien pu lui dire ce jour-là, il avait sans doute raison et je n’avais pas le droit de le priver d’une vie qui lui semblerait « meilleure ». Se posait alors l’inévitable question de savoir où j’allais pouvoir dénicher une autre perle aussi précieuse que lui ! Une perle qui se serait émancipée de son huître. Parce que je dois bien vous l’avouer, mais depuis ce commensurable coup de poing dans la gueule – je ne connais malheureusement pas d’autres métaphores pour exprimer cette sensation d’avoir été mis K.O par un homme qui me plaquait par amour – j’étais devenu ostraconophobe, un mot imprononçable pour une phobie des huîtres aussi stupide que curieuse.

Je n’étais malheureusement pas au bout de mes surprises. Pourtant, j’étais bien loin d’avoir l’esprit Kinder. Mais le fait d’accepter de rester son écoute des bons, et surtout des mauvais jours, me donnait l’impression d’avoir le cerveau chocolaté qui fondait lentement dans mon crâne en forme de cloche. Je n’avais plus, désormais, qu’à subir ce bourdonnement incessant qui résonnait dans ma tête. Comme le tintement effrayant de ce dernier SMS qui retentirait à jamais dans mon cœur. Je l’imaginais, un petit sourire sur le coin de ses lèvres pendant qu’il  tapait sur le clavier de son téléphone ces quelques mots du bout de ses doigts sages, ceux-là même qui me caressaient les courbes voluptueuses avec passion et gourmandise. Il était enfin heureux. Apaisé. Il venait de rencontrer une femme formidable. Une femme qui, selon lui, me ressemblait dans bien des domaines. Je n’osais pas lui souhaiter bonne chance et bon courage, si, réellement il avait croisé l’un de mes clones. Non, pour une fois, je préférais ronger seule, l’os de mon cynisme.


« Tu seras la dernière femme que j’aimerais… ». Moi, finalement, je ne voulais être que la dernière femme dans son lit, la dernière femme de sa vie.

jeudi 22 janvier 2015

L'Autre

Que me reste-t-il quand, tout à la fois, l’Autre…

Est trop et trop peu
Est source de lumière et de ténèbres
Est si proche, mais si loin
Est réalité et fiction

Que me reste-t-il à Moi?

lundi 19 janvier 2015

Déceptions

Aujourd'hui par nostalgie de l'enfance, je me surprends à rechercher dans ces lieux farfelus, l'odeur de ma jeunesse, égaré dans l'adultisme et l'angoisse.
Je m'allonge par terre, le ventre contre la marqueterie froide, le visage tourné vers cet endroit restreint mais familier et invitant.

Des images reviennent, défilent, m'appellent vers elles. Un joli film tourbillonne. Puisé de mon imaginaire les personnages que j'incarnais y sont toujours. Toujours aussi jeunes, naïfs et plein de sourires pour l'instant.Je veux les rejoindre. Je sais que j'y ai encore ma place. Je pourrais incarner la princesse Pâte à Mâcher, ou bien Pimprenelle la fée des oiseaux, ou le capitaine Grognon, Plumeau le matelot ou encore Gâteau- Mousse le gentil pâtissier. Mais je n'y parviens pas. Ce lieu est maintenant minuscule. Il n'est plus qu'un endroit empoussiéré et oublié par les adultes.

À 6 ans, j'y ai vécu mon premier bec. Premier bécot d'ail et de banane. Cette nouvelle expérience due  à sa saveur désagréable m'a laissé bien insatisfaite. J'étais loin d'avoir vécu le baiser de la Belle au Bois Dormant. Mais malgré la désillusion de ce moment, j'ai eu l'opportunité, en ce lieu, de le réinventer, de l'embellir selon mes rêves et espérances.

Théâtre de mes crise de larmes et de mes premières incompréhensions face aux exigences des grandes personnes, il m'hébergea à ma première fugue. Accompagné d'une pomme, d'une barre tendre et d'un chandail chaud, j'y persistai plus de trois heures. Trois heures interminables ou déjà mon petit orgueil se tourmentait de l'amour qu'on lui portait.

Mais aujourd'hui, je n'ai plus d'endroit où me réfugier, pour me retrouver et réinventer mes déceptions. Elles s'accumulent, s'entassent et se tissent en boules de poussière. Même mon personnage de Mopette la femme de ménage n'est plus crédible. Je suis une adulte maintenant. Je suis grande. Bien trop grande pour me glisser de nouveau...sous mon lit.

rêveries

Des désirs suspendus, camouflés dans des penderies de clin d’œil muets
S’éteignent dans du papier Chiffonné  
Sur ce lit, vide de sens, mon corps se confesse à bout de souffle
Allusions, rêveries en cages.
La sagesse m’observe et se tourmente pour mon âme  
L’intimité m’inspire et camoufle la vertu
Ce  jardin mystérieux, intense profondeur d’un monde inventé
Reflète la magie,
D’une liberté dans l’irréel.

dimanche 18 janvier 2015

Samedi matin...

Samedi d’un hiver, parmi l’ensemble de ce qu’il est. Le souffle du jour peine à combattre le noir de la nuit. En cette période de l’année, le soleil manque souvent à l’appel des présents, muet et discret sous son voile nuageux. Est-ce mieux ainsi, qui sait? La lumière diffuse qu’il génère me trouble. C’est samedi et le temps m’ennuie.

À peine l’heure du lever survenu que je ne peux faire autrement et de vivre en arrêt d’être fonctionnel. Pause à demi véritable dans les fonctions qu’occupe la fin de semaine. Repos ou mise à jour du laisser-aller de la semaine. Reprendre le dessus sur soi-même, chez soi… Réflexions en sursis de prendre le relais dans ce temps alloué pour la purge de mes tensions quotidiennes. Je transe en transition de ce que je devrais faire et la nécessité d’être.

Il est neuf heures moins le quart et un homme marche dans la rue. Ce marcheur passe devant ma fenêtre. Il était visible de loin avec son parka rouge au capuchon, serti de fausse fourrure, rabattu sur sa tête. Ses bottes noires et délassées fendent les quelques lames de neige qui lui coupent la route. Indifférent, il les traverse sans s’en préoccuper, elles sont là et c’est tout. Les mains dans les poches, il chemine tête basse. Ainsi vêtu dans sa simplicité, il affiche l’air de ces jours gris. Gris en contraste avec le blanc de l’hiver qui dune sur un plateau enneigé. Se sentant épié, il relève la tête et regarde en ma direction. Ses yeux noirs se posent dans les mieux. Communion silencieuse entre deux entités qui se croisent. Son regard est éteint et seule la volonté de se mouvoir le pousse à poursuivre sa cadence d’une prise de plein air. Gêné d’être pris ainsi en flagrant délit d’observation, je m’en détourne. Satisfait du résultat envers cette intrusion dans son instant à lui seul, il agit tel le témoin silencieux du temps qui passe, mais qui pourtant ne s’épuise pas pour autant. Il est ce qu’il fait et rien de plus. Condensé d’une existence de temps à faire sous l’apparence de l’utilité.

Le plaindre je devrais? Nous plaindre je devrais? L’action engendre l’action…

La question « Du comment il devrait/pourrait en être autrement » fleurit sur l’écueil de mes lèvres gercées. À quoi d’autre l’Être humain peut-il servir sinon que d’occuper le temps et l’espace? Être. Il est dans ce qu’il accomplit dans son quotidien. L’être humain est donc action et ne peut vivre sans définition aucune. Cet homme qui marche vers sa nécessité est donc en parfaite concordance avec son rôle. Présentement, il est le marcheur de son envie. Il chemine dans la voie qu’il s’est donné de suivre, pourrait-il en être, être autrement? Qui sait, sinon que la question elle-même… Las de l’épier à distance, je le laisse partir à ses destinations.

Le moment à suivre de ma journée se dresse dans une liste à cocher. Obligations multiples dans leur multiplication continue. Meubler le temps, agencer les cases et agir.

Agir… Ne sommes-nous donc qu’action à accomplir?

Je cherche du regard un bout de papier, y dresser la liste des à combler de mes occupations. Un regard furtif vers l’extérieur le temps de voir un oiseau qui se pose sur la branche nue de mon lilas. Le vent lui soulève quelques plumes. Un geai bleu. Ses yeux arpentent l’étendue des possibilités. La soudaine bourrasque le déstabilise. Il joue d’équilibre pour ne pas perdre prise sur son arrimage végétal. Il pousse un léger cri de mécontentement puis se redresse. Pause, pause entre deux vols, il médite sa prochaine action. Je suis étonné par notre ressemblance. Nous ne sommes que ce que nous devons accomplir. L’obligation d’être pousse la vie à se renouveler et à poursuivre sa destinée. Son choix posé sur ses intentions, il prend son envol et suit sa ligne de conduite en voie de concrétiser son acte choisi.

Pour ma part, je cherche encore ce fragment de papier pour y noter mes envies d’agir. Tout comme l’oiseau, je balaie du regard en quête d’une proie à noter. L’angoisse de l’inutilité me perce et augmente l’intensité de mes recherches. Vide à combler dans ce temps d’inertie, je trépigne.

Je dois agir et agir vite pour me sentir vivant. Cette inertie trouble mes certitudes et me pousse à l’action. C’est samedi et je ne peux faire autrement que de peindre les heures de tâches à accomplir. Prison de verre dans ce concept qui ruine mes croyances de l’efficacité. Que suis-je si je ne suis rien? Que suis-je si je ne fais rien?

La pression augmente et mes gestes se ponctuent de maladresse dans l’urgence d’agir. Qu’importe ce que je ferai, je dois bouger. Inconsciemment, je ne puis faire autrement, l’automatisme de la nécessité dicte mes pas, tout comme le marcheur de mon réveil.

Dans l’élan à accomplir, j’use de gaucherie et fais tomber ma tasse fétiche. Celle qui sied aux côtés de ma cafetière qui patiente encore d’être mise en marche. Comment ai-je pu ne pas la voir et réduire son existence en mode rebut? Elle ne pourra plus servir, elle a perdu son utilité, bref elle n’est plus… Tout comme moi maintenant. Le visage meurtri par la faute commise.

Vide, je me sens soudainement vide… La peur tresse dans ma tête une toile de détresse pour que s’y niche le doute de mon existence, de ma raison d’être. Moi qui ne puis me rendre utile… Tout comme cette tasse qui pleure sa perte sur le plancher de ma cellule hypothéquée, je me fissure. Je ne suis plus rien, sinon que la dissolution mon accessibilité à la liberté d’agir. Néant de ma perte, je ne suis plus que distorsion qui vibre dans le vide de mes échos…

Tout est donc ainsi, utile ou vain.


Je hais ces samedis matin où le temps me prive de mon sentiment de pouvoir être… sinon qu’être inutile…

dimanche 11 janvier 2015

Désert

Calvaire d’une vie transcendée
Sur un désert de par soi-même pavé
Heurte l’escarpement de l’inouï fané
Semant dans le vide les semences gercées


L’aride incertain d’un demain isolé
Assoiffé au besoin d’un avenir moins figé
Sable l’espace d’un regard déserté
Des espoirs morts au soleil désolé


Oasis depuis longtemps asséchée
Témoin silencieux de sa gloire passée
Range dans son oubli étiolé
Le désir d’être à nouveau ressourcé


Abandonné par les Hommes au sourire voilé
L’inculte Terre se larme des solitudes dépeuplées
Au serpent qui se glisse sur son grain de beauté
L’erg aux dunes caressantes  s’évapore en pleurer


Pèlerinage en proie à l’agonie de l’esseulé
Mes vapeurs en brume de paroles soufflées
Se taise de n’avoir plus à parler
Muet dans mon silence désormais emmuré


Mes vents n’aveuglent plus le voyageur tant convoité
Mon sable blanc s’égare dans l’engloutis des vieilles cités
Et si demain je meurs au chagrin d’oublié
Cactus en gerbes pour un dernier hommage crié


Jaune dans l’ocre valsant avec mes ombres projetés
Irradiant ainsi mes ténèbres proclamées
Je jauge ma fin annoncé

Par le couchant de cette nuit décantée

mercredi 7 janvier 2015

Entends-tu souffler ce vent d’émeute ?

Et l’enfant se mit à hurler,
Ce que, depuis longtemps, on ne sait plus crier,
Comme un pleur animal au sourire mort-né,
Avorté dans nos chairs à moitié dévorées.

Les révoltes se sont brisées,
Aux capitules d’un espoir schématisé,
Larmes de pierres ont refermé lèvres gercées,
A l’hypnotique coup de poing médiatisé.

Démissionnaire à s’écoeurer,
Le cœur ouvert sur les mensonges crucifiés,
L’Homme s’abject au goût du sang d’un suicidé,
Venin de mots craché en veines cyanosées.

Vaincus aux inégalités,
Les yeux crevés, nous avançons têtes baissées,
Souillés aux lois pauvres esclaves synchronisés
Aux mêmes morts dans nos cerveaux abandonnés.

Mais l’enfant s’est mis à hurler,
Un cri de rage et de colère mélangé,
Et dans son cœur, le drapeau blanc vient de brûler,
Hissant sa voix rebelle au mât des insurgés. 


vendredi 2 janvier 2015

RUPTURE

Sa décision est prise, elle se tire
elle en a soupé de ses délires
elle se tire parce qu'elle l'aime
mais elle en peut plus de tous ses problèmes
qui sèment la zizanie dans sa vie
s'invitent dans ses insomnies la transforment en zombie
au fil de ses envies
au fil de ses dénis.

Sa décision est prise elle se casse
elle en a soupé de ses soupes aux menaces
elle se casse parce qu'elle l'adore
mais elle veut plus de ses continuels changements de décors
un jour elle est folle,
le lendemain, elle est son plus beau coup de bol
elle a mal de ses parcimonieuses oboles
et aussi de toutes ses paroles
Elle est pas une "baby doll"
et encore moins une idole

Sa décision est prise, elle file
elle en a soupé de ses regards hostiles
elle file parce qu'elle tient trop à lui
mais dans son corps, c'est trop souvent la nuit
un matin, elle est sa plus belle aquarelle
le soir, elle est plus qu'une croûte bonne pour la poubelle
Elle veut plus se tenir en équilibre sur sa foi
elle file parce qu'elle a plus le choix
Elle est pas une poupée barbie
et encore moins un tamagotchi

Elle veut plus que son coeur vole en éclats
à chacun de ses aléas
Elle a peur de tous ces mea culpa
Il reste à jamais son Alpha et son Omega
mais elle abandonne le combat
Elle veut plus marcher dans ses pas
ce serait aller tout droit à son trépas
Elle le quitte parce qu'elle l'aime
et là est tout le problème !

Christine Millot-Conte

La radio :

L’orage à inonder la plupart des rues de la ville basse. Les dégâts sont importants. La statue équestre de notre admirable fondateur a même été arrachée de son socle et entraînée par la fureur des eaux.


Celui qui regarde :

La noirceur des nuages se délite, la blancheur violente des éclairs fait place aux ocres. L’air respire le thym et la fraîcheur, la canicule est morte. Inspirer


La radio :

Plusieurs bâtiments ont été foudroyés. Le réseau électrique de l’hôtel de ville a été intégralement détruit suite à la rupture du paratonnerre. On déplore plusieurs incendies dans la mairie en particulier dans la salle des mariages qui est pratiquement détruite.

Celui qui regarde :

Le vent a cessé de tourbillonner, de frapper, rafale après rafale, de faire danser les parapluies et les chapeaux. J’en vois même un posé sur un réverbère. Il souffle maintenant régulier, comme la langue d’un chat soignant une blessure. L’air est onctueux, le déguster…
La radio :

Le coût de la tempête sera très important, il est d’ores et déjà certains que la ville devra demander l’aide des citoyens, sous forme d’un impôt exceptionnel, pour faire face au terrible drame que traverse notre communauté.

Celui qui regarde :

Le soleil perse, éblouie, puis se cache, d’instant en instant les toits brillent et s’éteignent comme d’immenses lucioles. Que se racontent-ils ? La pluie, le vent, les nuages ou simplement le plaisir du soleil ? La lumière ronronne. La caresser…

La radio :

On déplore aussi quelques pertes humaines dues à l’inconscience de certains… clic…

Celui qui regarde :

Tais-toi stupide radio, nous aurons tout le jour et les jours suivants pour pleurer nos morts et rire de vos priorités. Maintenant la lune nous vient, des étoiles pimentent le ciel. Les rues chantonnent, un dernier rayon salue avant que ne tombe le rideau. Sans un bruit, mes mains l’une contre l’autre, admiratives, applaudissent…

jeudi 1 janvier 2015

Pile ou faste...

Salle en décor de ribambelles multicolores en lianes serpentées peuplaient la voûte qui couronnaient les fêtards qui s’adonnaient au plaisir de célébrer. Ballons en orbite valsaient dans un mouvement d’air ambiant caressant ainsi les lumières tamisées pour plus de douceur en velours de synthèses.

Bruit de fond en musicalité jouant les dernières tendances pour que pianotent du pied les braves qui voulaient danser. D’ailleurs, nos prédictions concernant ces derniers étaient justes. Les mêmes, toujours les mêmes qui portent en eux la festivité à faire crier le bonheur d’être en vie! Céleste en eux la volonté propre de pouvoir vibrer de joie dans le qu’importe la situation.

Tandis que, sur une table à la nappe de papeterie, siège à vif le banquet des victuailles à consommer. Fumets multiples dans l’abondance de diversité trônaient dans l’appel des ventres à combler. Petites bouchées à froid et à chaud se partageaient l’espace sans que conflit n’apparaisse. À son extrémité, dans un bol de glaçons tempérés, un breuvage alcoolisé aux vertus déconcertantes s’offrait aux preneurs de risque.

Puis, des chaises pliantes jouxtaient les murs. Noires et bigarrées, dans l’inconfort d’y être assis trop longtemps, supportaient l’excédent de fatigue des êtres debout depuis trop d’intermèdes.

Bref, la frivolité des fêtes apposait son sceau d’excellence dans la réussite de son succès. Rires et chants cajolaient les oreilles de ces âmes enthousiasmées par le bonheur d’être ensemble, ou tout simplement d’être. Le partage d’une saine amitié colmatait ainsi la brèche dans les temps durs qui les assaillaient de l’autre côté de ces murs, pour le moment rassurant.

Chance dont je les envie de pouvoir ainsi célébrer et de se donner ce droit naturel que je me refuse, ou qui m’est refusé... Intériorité de ma cage invisible, je me tords de tourments dans l’observation de ce qui se vivait en face de ma carcasse impassible. Cloître de ma personnalité, je me fige et me maudis tout en les maudissant. Certes, les maudire est en excès de ma propre rancune envers l’être que je suis. Je décrirais davantage cet état par la jalousie de ne pouvoir m’adonner, moi aussi, à cette réjouissance commune qui m’est étrangère. Seule ma muselière parle par son absence de son.

En mémoire, les souvenirs de mes tentatives de m’y être risqué surfent sur une toile de mauvaises expériences. Ma maladresse l’emportant à coup sûr, je me souvenais que trop de mes bévues, car je porte en moi la méconnaissance des relations sociales. Ces vaines tentatives me hantent et me hantent toujours, visibles en continues, tel le mobile qui chantonne, sur des airs sinistres, au-dessus du lit les fresques de mes échecs.

Mais qu’ai-je donc qui me fasse ainsi défaut de moi-même. Aveugle aux codes sociaux d’apparats, je me fourvoie de compréhension. Pleurant ainsi dans le berceau qui m’accueille ma misère que de ne pouvoir être celui que j’aimerais tant être. Être… Être simplement comme les autres et à mon tour embarquer dans ce carrousel frivole des beaux moments communs à partager… L’allégresse de l’attention commune et de rires consumés en pain à dévorer jusqu’à en être repu…

Vain…

Néant dans le vide qui m’assaille, j’ai rapidement compris que ce monde n’est pas le mien et ne le sera jamais… Que dois-je en comprendre sinon que je suis autre? Autre, mais pourtant désireux de similarité… Je ne suis que l’opposé de mon désir.

Dans mes soupirs maugréés, je suis l’observateur de ce spectacle. Cet être passif qui se tient l’écart de peur d’être, une fois de plus, le saboteur du bon temps. Mon rôle est ainsi fait, alors qu’il en soit ainsi. La lutte pour m’en extraire est ignoble, car je ne puis me vaincre. Se battre avec son ombre a toujours été un duel entre ombre et lumière, entre jour et nuit… entre mal et bien… Entre moi et moi… Constat d’échec, car au dernier round je sais qu’importe l’issu du combat, je serai le perdant, tel un pile ou face truqué.


Je me mords les lèvres de ne pouvoir parler, de ne pouvoir en parler, car mes mots sont les sons de mes émotions… Qui de par leur nature froisse les oreilles de ceux qui ne veulent les entendre. Parce que contraire à leur demande… je ne puis donc qu’offrir ma présence, mais dans le mutisme de ma présence. Ainsi, l’équilibre est maintenu entre les éléments qui meublent cet espace. Je suis donc le fardeau de la preuve des contraires…

Terne en constat, je suis conscient que cette réflexion ne mène qu’à ouvrir davantage le gage de mon âpreté de caractère, mais le silence est trop lourd pour ne pas l’exprimer…

Savoir se taire n’est pas donné à tous! Ainsi donc, je ne parle que par ma plume et me tait de paroles vocables pour plus d’harmonie dans les ondes qui nous composent. Car vibre en chacun de nous cette clémence des jours heureux et je ne voudrais en rien jouer de discordance.


Je sais maintenant ce que je suis, donc j’accepte de l’accepter, de l’assumer… Terme en termes de contrat. Je suis… la minorité silencieuse.

DÉLIVRANCE


Le ciel est gris aujourd’hui, comme le sont tes yeux sous ces paupières fermées. Le soleil ne pénètre pas par la fenêtre de cette chambre devenue inutile . Je suis assise là, tout près de toi, à te regarder et à écouter ton souffle. Parfois des larmes me viennent et parfois ce sont des sourires.
Que faire d’autre en cet instant sinon évoquer nos souvenirs ?


Te rappelles-tu de ce jour de première rencontre ? De tes yeux croisant les miens à ce carrefour béni, de ton arrêt brutal au milieu du trottoir et de mon amusement à te voir planté là comme interdit ?
Je pense maintenant à ton rire au matin. Le son de ta voix berce encore mon cœur et tes mots de bonheur résonnent toujours au creux de mon âme.
Souviens-toi de mes inquiétudes à te voir penché des heures durant sur ce travail harassant qui ne te lassait pas. La ride barrant alors ton front a laissé une empreinte que je caresse amoureusement aujourd’hui.
Il me revient en mémoire ces moments magiques où les paumes de tes mains flirtaient avec mon corps et où mes lèvres suivaient tes contours. Ces dons ultimes et merveilleux où nous n’existions plus que dans un même élan.
Remémore-toi cette vie d’avant, remplie de mille choses et d’innombrables riens. De la couleur des murs de cette cabane au bord du lac, de ce tissu marocain au toucher si doux, du parfum du tilleul ce soir-là sous la lune et du goût de notre tout dernier baiser.
Ecoute ma voix te parler de nous tandis que tu t’éloignes de moi. Sens ma main enserrer la tienne à chaque seconde un peu plus fort alors que ton esprit s’enfonce un peu plus loin de moi.
Mais je t’ai entendu, mon amour. Et je t’épargne cette souffrance depuis trop longtemps dévorante. Que cessent tes tourments,  que cesse l’inutile acharnement.
                                          Dors enfin, mon amour, dors.