Lorsque nous sommes perdus en soi-même, tous les chemins
sont des portes de sortie, mais parfois, elles sont des rampes glissantes vers
une fuite nécessaire, mais inutile... Dans l’instant d’inertie, entre deux
soupirs d’hésitations, la mort s’était glissée vicieusement en elle. Pourtant
la Dame éplorée n’en eut pas conscience, pas encore.
La brume dans sa tête, comme dans le chemin en croix en face
d’elle, était opaque. Sa robe, humide par capillarité, trainait en lambeau sur
le tertre en chemin boueux. Ses cheveux, à présent grichoux, tombaient en
cascade, leste sur le bord de son visage. Jamais elle n’aurait cru descendre si
bas, bas jusqu’à plus d’ombre sinon l’ombre d’elle-même. Pourtant, elle le
savait, cette descente avait commencé depuis déjà longtemps, et l’ignorance
intentionnelle avait accéléré le processus. Si seulement, croire en elle avait
été autre qu’une option, la réalité, la sienne aurait pu être autre. D’une
enfance en sourire vers une vie d’adulte en rêve déchu. Jalousie en perle de
haine sur un souvenir encore amer, elle regrettait sa vie d’antan.
Perdue dans l’étalage de ses regrets, le vertige la prit et
pour le dissiper, elle se remit en route. Le chemin qu’elle emprunta alors lui
était inconnu de visu, mais elle était loin de se douter que son avancée la
conduirait vers un lieu que tous redoutaient, mais dont nul ne parlait. Mythe
parmi les vérités, cet endroit offrait à ceux qui osaient y plonger, l’agonie
d’une mort lente tout en torture. Seule la folie survivait dans le résidu de
l’âme qui s’y éteignait, et parfois moins aussi. Ce lieu, qui n’en est pas
véritablement un, était connu sous le nom du Marais des Murmures. Endroit où
nul n’en revenait et que tous abonnaient ici leur vie passée et succombaient
aussi à celle future.
Point d’arrêt sur une mer morte, peu de récits portent la
réalité au stade véritable des souffrances que peuvent vivre les égarés qui y
entrent. Dire qu’avant, ce Marais était une plaine riche de sa culture où
l’abondance de ses récoltes était la fierté de ces occupants. Paradis sur
terre, tout y était prospère et l’harmonie des habitants était notoire et
reconnue de tous. Sol de convoitise par les villages avoisinant, ils durent se
protéger et comme la guerre est lucrative au bénéfice du marchand, ils payèrent
d’un prix encore plus cher que leur propre perte.
Portant fruit dans ses débuts, les défenses ne tinrent qu’en
illusions, subterfuge sous un tonnerre de honte. La faille tenait dans sa
force. Car tous le savent, la sécurité n’existe qu’en théorie et rarement dans
la pratique. Or, le bois qui avait été utilisé pour ériger les remparts n’était
autre que le fruit d’une magie noire ayant comme finalité d’étouffer ceux qui
étaient prisonniers en son sein. Donc, au fil du temps, l’air y devient nauséabond
et malsain. Les habitants virent leur peau muter en diverses teintes passant du
vert au gris. Le blé, d’ordinaire de teinte dorée se teintait du noir du
charbon causant famine et désolation sur le champ des morts. Dès lors, les âmes
furent prisonnières de cet endroit et hantaient le territoire de leur perte. Le
paysage en paya le prix et rien de neuf ne put y vivre. Décomposition et
fermentation jouèrent de pair et transformèrent ce jadis prospère en un marais
mortifère. Et c’est exactement dans cette direction qu’elle posa pied.
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