lundi 11 juillet 2016

Lune à tiques

La nuit brillait de son absence de lumière, partielle. Partielle, car les nuages jouaient à saute-mouton avec le soleil en déclin dans son couchant qui brûle l'horizon. L'air chaud, l'humidité instable d'un chien et loup et le chant des criquets en arrière-scène meublaient les sens des habitants encore debout pour en savourer l'essence.

Un homme solitaire pourtant sombrait avec le jour. Les mains dans les poches tout comme ses yeux. Sa veste beige en tweed usée sur le rebord de son col cachait une chemise de la même couleur. Ses cheveux parsemés de brun et de roux se bataillaient pour ne pas être coiffés. Tandis que ses souliers, blancs de souvenir, se soulevaient à peine. Il flottait ou survolait tout comme. 

L'être en peine marchait dans son silence apparent, car en lui, vivait un vacarme éternel. Sa propre vie, en liesse, en peine, perlait en minces gouttelettes salines sur sa joue. La vie en fardeau de fagot sur son dos rond, ses yeux ne pointent que vers le sol.

Jouant avec un caillou qui entravait sa route, il le frappe tant qu'il est à sa portée. Une voiture passe et poursuit sa route. La lumière des phares s'étiolait au gré de son éloignement. 

La lune chapeautait à présent sa tête et les étoiles tissaient en sémaphores immaculés les grandes lignes du ciel lacté. Il était loin de chez lui et pourtant pas encore assez, selon lui. Un parc isolé l'attendait au détour d'un coin de rue. Des arbres en cierges éteints parsemaient l'aire gazonnée. Bouleaux décrépis, chênes majestueux, érables bataillant pour un coin près d'un saule éploré. Un lac artificiel siégeait au centre de cet endroit qu'il connaissait déjà. Un pont le traversait, rudimentaire, mais fonctionnel. Quelques grenouilles et crapauds chantaient en guise de bonsoir. 

S'y accouder il fit. Les yeux perdus dans l'errance de sa fuite, il fixait le vide. Le cœur lourd, il soufflait à s'en extraire l'angoisse qui le consumait. Immondice en souvenir de ses mémoires trop que noire, ses épaules tombèrent d'avoir trop longtemps tenues bons. Voûté, et éteint il pleura d'abondance d'être ce qu'il ne voulait pas. Spasme en diapason avec les ondes que ses larmes formaient sur le lac, il tremblait de chagrin, de désespoir, d'éternité passagère. S'extraire de lui, il voulait, changer de peau et revêtir ses rêves d'antan, d'autrefois, du temps où il y croyait encore, mais pourtant dans un hélas pesant, il fondit en silence. 

Soubresauts en esquisse de vie, le calme ambiant le terrassait,  lui, qui voulait taire son propre vacarme. Un oiseau de nuit passe et rompt sa solitude. Cherchant l'origine de cette rupture, il croisa la lune qui lui faisait face. Et, dans un écho de son lointain enfoui dans son antre, les poings fermés, blanchis d'être fortement maintenus ainsi, il prit son souffle et prépara sa rengaine. Vibrant dans l'ensemble de son être, son cri tritura le silence de la nuit et même l'indifférence qui passait dans la rue, ne put s'empêcher de trembler face à cette requête qui pleurait dans sa voix. 

—Lune, ô Lune, toi qui nous surplombes de ta céleste nuit, écoute ma demande. Je t'implore de m'accorder ta grâce en souhait bonifié. Je me suis trompé dans mon tournant, et depuis, j'accumule mes regrets en compagnons de séjour. Puisses-tu, dans ta volonté qu'abonde ta blancheur, je t'en conjure l’exhausser. Je me suis trompé de vie, ramène-moi d'où je viens je t'en supplie. 

Et voilà, le silence revient. La lune continua de briller et l'âme solitaire ferma les yeux, tandis que l'indifférence reprit la route.


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