Le jour pointait au-dessus de la nuit qui s’estompait. La
brume d’octobre léchait les gazons qui basculaient vers leur dormance. Les
fenêtres n’étaient pas en reste et les toiles qui s’y accrochaient perlaient en
eau du matin. Un des derniers camelots jouait de son vélo pour aller porter, en
rouleau, la presse du matin chez les rares abonnés. Lui, seul, pensait que son
temps était compté… Le virtuel avait aussi touché les plus petits, comme lui.
Sur le porche de quelques maisons, on pouvait y voir des messieurs
en peignoirs, attendre que leurs chiens se départissent de leur digestion. Dans
l’attente, ils tentaient de se réchauffer en plaçant leurs mains sous leurs aisselles
tout en sautillant sur place, expirant un embrun de vapeur.
Puis, un à un, les lampadaires s’éteignaient. De plus en
plus tard, car la nuit en automne gagne toujours du terrain sur le jour. Cycle
en rotation depuis l’éternel. La vie n’est qu’une roue qui tourne… Mais
parfois, un grain de sable peut rompre cet équilibre, comme quoi, tout est
instable, même le changement.
Le réveil sonna trop tôt. Les chiffres en bleus affichés
contrastaient avec le noir de la pièce. Les rideaux noirs, opaques, ne
laissaient filtrer aucune lumière. Clara les voulait ainsi. Fille de nuit et
non du matin, les cadrans avaient toujours été une plaie pour elle. Nombreux
avaient terminé leur vie bien avant leur temps. L’humeur en vrille quand ses 8
heures de sommeil n’affichaient pas comble, elle tempêtait autant qu’elle râlait.
Malheur à ceux qui voulaient lui tomber dessus en ces jours en lacune de
sommeil. Les pauvres…
En grognant pour elle seule, elle déposa ses pieds sur le
plancher froid. Un frisson parcourut son corps sans la ménager d’une parcelle
de parcimonie. Ce satané chat avait encore dû jouer avec le tapis. Il ne paie
rien pour attendre, pensa-t-elle. Rapidement, elle courut, sur la pointe des
pieds pour atteindre le tapis de la salle de bain. D’un coup sec, elle régla le
chauffage au maximum et patienta. Elle profita de ce délai pour voir à sa déco.
Les couleurs commençaient à s’imprégner du qualificatif de "has been". Ce bleu
criard avec des touches de vert lime sur les accessoires lui donnait le tournis.
Que dire de ce cadre? Une ombrelle jaune sur un fond de ciel ocre. Pathétique.
Pathétique était le seul mot qui lui venait en tête en observant cette image
tant de fois contemplée.
Cette pause en attente de chaleur fit germer en elle
quelques réflexions. Mais qu’est-ce qui fait qu’on se lasse de ce que nous
aimions auparavant? Elle tenta de se remémorer toutes les modes qui lui avaient
fait acheter tant de trucs qui jonchent les dépotoirs à présent. Et si, et si?
Une décharge électrique foudroya alors sa conscience. En perte
d’équilibre, elle se rattrapa sur le pôle du rideau de douche. De justesse,
elle retrouva son aplomb, précaire. Son cœur s’emballait dans une estacade qui
la menait vers un précipice sur le point de surgir en elle. Quelques perles de
sueurs froides naquirent à la naissance de son front. Paniquée, elle se mit à
trembler de tout son corps. Ses mains pulsaient sur le mur qui la retenait à
présent. Des bourdonnements forts et rythmés lui déchiraient les oreilles.
Puis, lentement, le froid, celui qui nous vient de l’intérieur, s’immisça
graduellement dans la partie de son corps qui touchait le sol. Elle osa un coup
d’œil sur ses pieds et la peur grimpa d’un cran. Ils étaient bleus et quelques
orteils étaient déjà en voie de devenir noir. L’impression de givre galopant
gagnait en altitude et ses mollets claquaient déjà. Elle voulait fuir, mais son
corps ne répondait plus. Elle était prisonnière de sa propre situation. Un cri
sourd l’étouffa, bloqué avant même de pouvoir s’extraire de son corps en voie d’extinction.
L’air commençait à lui manquer. De rares expirations parvenaient à émaner de ce
corps en proie à l’agonie. Quand, du coin de l’œil, en un éclair, son propre reflet
dans le miroir la fit bousculer dans le noir de son exil…
Nuage de gris en guise de duvet sur son corps qui tombait
amorti sa chute. La peur lui privait du courage d’ouvrir l’œil. Celui qui lui
donnerait l’information qu’elle espérait tant. Qu’est-ce qui lui était arrivée?
Où était-elle? Était-elle encore vivante?
Tu fais dans le suspens maintenant ? Alors ??? On veux la suite...
RépondreSupprimerJ'essaie!
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