mercredi 26 août 2015

Ce pourquoi je suis poète...

Dans le déclin d’un mois de mai pleurant sa mère Nature de devoir passer outre, vagabonds nuages ornaient en surface la voute céleste d’un juin en devenir. L’air s’allégeant de son excès d’humidité ouvrait la porte à un juin sauveur de sa chaleur bienvenue. Les hirondelles ayant fait leur travail de messager se perdaient dans la multitude des chants qu’offraient ces êtres volages.

Les bourgeons en éclat de se donner en spectacle, offraient d’un tendre vert la beauté juvénile de ses feuilles encore naissantes. Magnolia, en monde à l’envers, nous offrait ses parfums délicats de ses branches frêles vierges de ses ornements foliaires. Ce spectacle était, pour le plus grand bonheur des passants nouvellement excavés de leurs antres hivernants, le salue d’une vie nouvelle.

Le blanc des marcheurs en quête de dorure, immaculé encore, se gorgeait des rayons salvateurs de l’astre bienfaisant. Plaisir des hommes de voir la taille des habits se réduire pour offrir de jolies jambes en spectacle talonné. On pouvait même entendre, du haut de leur porche bétonné, les mères implorant leurs enfants de se couvrir la tête et de s’enduire de crème solaire, tandis que ces derniers feignaient si bien la surdité sélective.

C’est exactement à ce moment précis que la petite Lucille, en balade avec sa maman, fut attirée par une étrange vision. Un homme, en plein dialogue, était adossé à un arbre du parc. Ce dernier, de jean vêtu et d’une chemise amputée de ses manches, pointait le ciel en parlant d’une voix chantante. Ce personnage intriguait bien la petite et mit un point d’arrêt à cette marche mère-fille. Sa mère en profita pour réajuster son chapeau et se dirigea vers un banc de parc peint en rouge. La petite vint la rejoindre et tendait l’oreille pour bien entendre les dires de cet homme farfelu. Voici ce qu’elle entendit alors.

     Vois-tu, mon cher, je ne suis guère fainéant, bien au contraire. Je converse avec les nuages et en retour il me dicte les réponses à mes questions.
     Impossible dis-tu? Bien au contraire, c’est d’une logique incroyable! Fais-en le test et tu comprendras!
     Quoi, tu n’oses le faire, alors laisse-moi te montrer!
     Que pourrais-je bien manger pour le goûter?

Sitôt, le coton volant prit la forme d’une pomme bien ronde.

     Tu vois! C’est simple comme tout! Il ne faut qu’essayer et surtout oser!
Lucille, étincelante d’émerveillement ne put s’empêcher d’écouter la suite. En son cœur de fillette de sept ans, elle se demandait pourquoi personne ne lui avait dit que l’on pouvait consulter le ciel ainsi!

     Et le vent, tu l’écoutes aussi j’espère, car lui aussi nous offre son savoir sans même qu’on lui demande!
     Incrédule tu es mon cher, je te le prouverai à l’instant! Vent, dis-moi où trouverais-je cette pomme?

Une feuille, volant sous la volonté d’Éole se mit alors à tournoyer en tous sens avant de prendre finalement direction d’un marchand ambulant qui établissant son kiosque justement.

     Tu crois que je le savais qu’il viendrait s’y installer? De mauvaise foi tu es mon cher ami! Et la feuille, tu penses que c’est moi qui lui ai dicté le chemin?

Du haut de ses sept ans, la petite Lucille tombait d’émoi devant tant de savoir et ne put se retenir et demanda à sa mère si cet homme était magicien!

     Mais non, simplement un va nu-pied qui s’attire la charité à qui écoute à ses mensonges. Ne porte pas attention à lui.
     Mais tu as vu, les nuages et le vent lui parlent! Je l’ai entendu et surtout j’ai vu le résultat!
     Le hasard, rien d’autre que le hasard ou pire, la chance!

L’homme-nature, comme la petite le surnommait à présent, reprit son dialogue.
     Baliverne, je suis bien comme je suis, malgré le fait que mes poches soient vides de sous! Bohème tu m’appelles, peut-être, mais libre!
     Tu crois que l’argent me donnerait le bonheur… L’argent au contraire m’a tout volé…
Une larme perlait délicatement sur la joue de l’homme, et les émotions se lisaient sur le front torturé du pauvre homme. On pouvait aisément, à la lecture de son visage, s’imaginer les malheurs traversés par cette âme si fraîche du mois de juin.

Lucille ne put retenir une larme en retour.

     M’emmurer dans mon monde, tu me dis que je m’isole et me crée un monde à moi seul? Pauvre toi…
Un silence interrompit cet instant de divagation singulière. Un nuage passait et un oiseau chantait pour rompre ce vide lourd en émotion.
     Pauvre moi devrais-je dire? Non, mais, en fait… tu as peut-être raison! Ce monde qui est mien, je l’ai créé de toute pièce et alors… Et alors…
Un lot de larmes déferlait à présent sur ce visage inondé par la tristesse d’une vérité, il était midi et le clocher se mit à chanter.

      Tu as que trop raison… Mais, qu’est ce monde si triste, si noir et si faux? Tout est mal et mauvais autour de nous, la corruption de nos âmes fait de nous des loques revêches. Alors… oui, je m’invente un monde dans lequel j’ai choisi d’être heureux. Un monde où les arbres et l’eau sont mes amis et qu’ils me chuchotent une douce poésie réconfortant mon être isolé. Oui mon ami, j’ai choisi d’être poète et de vivre avec sa beauté et s’il en est qui me trouve déplorable, alors qu’ils s’en retournent à leur vérité. Pour ma part, je n’ai jamais été aussi heureux que depuis que j’ai choisi la beauté comme amie et les mots et l’évidence du monde qui m’entoure me parle en retour.

La mère de la petite, saoulée par tant de balivernes, se leva d’un trait et tira la main de Lucille afin de s’éloigner rapidement de cet homme qui parlait seul depuis maintenant un quart d’heure.

Lucille, quant à elle, portait à présent la semence d’une douce mélodie en écoutant le vent dans les feuilles et ne put réprimer du regard cet homme différent, poète et pourtant, heureux d’être… Leçon en elle de voir que la différence n’est qu’une question de point de vue, tant que notre regard porte sur ce qui nous fait du bien, nul ne peut s’y interposer…


2 commentaires:

  1. Une bien belle morale pour une bien belle histoire... Elle me donne l'envie d'aller rechercher la présence des nuages... et du vent !

    RépondreSupprimer
  2. Merci gente Dame! Oui,il faut rêver et nager dans les nuages encore!

    RépondreSupprimer