La lune en soleil de nuit s’était pointée dans un ciel vierge
de mouvement. Inertie des astres, inertie des airs, désert inerte. Le silence
l’accompagnait en écho étouffé comme un partenaire soucieux de ne rien froisser…
Un nuage de brise soufflait sur les feuilles qui bruissaient
de ces douces chatouilles. Le parfum persistant et agréable des asclépiades tissait
ses effluves parmi les chanceux qui s’étaient pointé le nez par les fenêtres ou
encore les rares et parsemés veilleurs, rassemblés autour d’un feu extérieur. La
nature a cette naïveté qui la rend si charmante, voire humaine.
Les lampadaires répandaient sur le pavé leurs rayons jaunes
tandis que les papillons de nuit valsaient dans sa corolle incandescente. On
cherche tous la lumière, qu’importe laquelle. Les rues du village s’étaient
vidées de ses occupants diurnes. Seule la faune avait repris ses droits sur ses
artères goudronnées. Vie parallèle en divergence d’opinions. Ainsi, moufettes,
ratons laveurs ainsi que les rares renards se pointaient en quête de pitance
nourricière. Une chatte passait dans toute sa félinité, caressant l’envie des
matous à proximité, tandis que les chauves-souris s’en fichaient bien.
À vol de nuit, sur les ailes du temps suave de cette nuit estivale,
on pouvait voir que la vie à l’intérieur des maisons vibrait encore pour
quelques-uns, comme en témoignaient ces lueurs animées filtrées par les rideaux
ornant les fenêtres des quelques habitants de Ste-Lucie. Confiné et isolé, tel
se veut la présente et illusoire sécurité de nos foyers, tout comme les leurs d’ailleurs.
La demeure des Lemieux n’était pas différente des autres, pourquoi
en serait-il autrement? Dans l’antre de sa chambre, sous la tutelle de la toile
et du virtuel, Flavie veillait sous l’éclairage diffus et confus de sa lampe de
chevet. Jeune rouquine de 16 ans siégeant sur son lit, habillée de sa camisole
jaune clair. La lumière tamisée de sa lampe éclairait peu par rapport à son smartphone
qu’elle tenait dans ses mains. Sécurité factice dans l’angoisse de s’en
départir, s’en détacher. Le cadran-réveil rétro aux courbes exagérées indiquait
que l’heure de dormir était depuis que trop longtemps dépassée. Impuissant, il
écoulait le temps sans que l’adolescente lui porte la moindre attention. Inutile
malgré sa bonne volonté.
Malgré tout, elle jouait du doigt sur les multiples fonctions
des plaisirs que lui procurait son jouet numérique. Les reproches en écho de
répétés de sa mère s’étaient également tus sous l’évidence de l’épuisement et
du découragement de celle-ci. Lâcher-prise dans la lassitude du déjà vu, déjà
mille fois vécu. Elle passait de Facebook, comptabilisait les « like » sur son dernier post avant
de passer à twitter tout en effectuant un détour par Instagram qui lui
affichaient ses derniers selfies avec ses « bests ». Puis, quelques coups de doigts sur son jeu qui a la
cote, un nouveau parmi tant d’autres qui l’avait précédé. Lasse, elle
poursuivait tout de même son passe-temps nécrophage, chronophage numérique.
Pourtant, étrangeté dans le phénomène de sa dépendance non
avouée, elle était blasée de tout ce cirque virtuel. Bien qu’elle voulait se convaincre
qu’il était important de « décrocher », elle poursuivait sa
divagation tactile sans conviction aucune, comme si elle s’était engagée dans
une voie au mode automatique, vulgaire automate.
Les rideaux de sa chambre volaient doucement sous la brise qui
soufflait de son mois de juillet. Ils effleuraient les affiches de ses idoles
du moment, ceux-ci avaient pris la place de tant d’autres auparavant. Tout
passe si vite se dit-elle en silence… La nuit était là. Bien présente
installée, douce et pourtant, elle ne se souvenait même pas d’avoir réellement
vu le jour passer. Cirque en continu devant cette perte de temps qu’elle en
venait à mépriser, tout en adulant simultanément. Paradoxe dans sa vie. Comme bien
d’autres, comme elle d’ailleurs, elle voulait se détacher, mais sans réellement
le vouloir.
L’icône rouge d’une pile s’affichant dans le coin supérieur
droit de sa gardienne numérique, elle comprit que le temps serait bientôt à la
recharge, tant pour elle que son téléphone. Si seulement elle avait apporté
avec elle sa prise… Le sommeil gagnant du terrain, les paupières se fermèrent bien
malgré elle et la douce caresse de Morphée la mena bien au-delà de sa nuit…
Une bien triste réalité en vérité. Une adolescente, un quadragénaire et même quelques "vieux" dans le cloître de leur solitude. Nous sommes tous plus ou moins touchés par ce petit monde virtuel qui peut être souriant comme il peut être vorace. Une gangrène virtuelle qui ronge nos cerveaux, une drogue puissante qu'on s'injecte un peu trop facilement dans nos veines. Et pourtant... Qu'est-ce qu'on aime ça parfois ! La désintox reste difficile. Je m'attend à une suite très riche en détails hideux sur nos comportements "connectés". Je m'attend... mais avec toi... Tout peut être si différend (sourire). Un texte, ma foi, bien commencé... Du LaManna quoi ! (Quelques mots que je ne connaissais pas... Fichu culture !). Attention peut-être aux répétitions.
RépondreSupprimerDure réalité que maintenant plusieurs devront conjuguer avec... La suite viendra! Merci!!!
Supprimerun beau texte, plein de ressentis et d'évocations sensibles. des formules qui donnent envie de s'évader avec en fond un sujet très actuel. Bravo
RépondreSupprimerUn texte qui n'aurait pas existé sans l'aide d'une aide généreuse! Merci encore Gente Dame!
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