dimanche 17 avril 2016

Wi-Fi, troisième partie

Soudain, le ciel s’anima et des nuages se formèrent au-dessus de sa tête. Duveteux, elle les admira et joua à identifier les formes qui se dessinaient dans le ciel tacheté de blanc à présent. Classiques au début, elle n’y voyait que des moutons ou des cœurs. Puis, son imagination se remit en marche et d’autres images défilèrent sous ses yeux. Simples au départ, comme ceux qui s’apparentaient à un cerf ou encore une loutre, d’autres, plus complexes, affichaient des scènes familières. Étrangeté dans la ressemblance avec des événements de sa vie, comme le parc au coin de sa rue avec l’orme au-dessus du banc en demi-lune. Que dire, de celui qui se matérialisait au fil de ses pensées? Comme si elle était en parfaite communion avec les moutons célestes. Elle poussa l’audace jusqu'à forcer l’apparition d’un souvenir d’enfance qu’elle chérissait par-dessus tout. Le défi était de taille et elle commençait à douter de sa demande. Les nuages acrobates se liaient et se s’imbriquaient sans réussir à former ne serait-ce que l’once d’une réussite.

Puis, elle comprit, la scène se faisait par monceau. L’émotion à fleurs de larmes de voir l’exactitude des détails qui se formaient devant elle. Le jour où elle avait reçu la visite de sa tante pour son anniversaire de ses 7 ans. Cette tante habitait en Écosse depuis deux ans, alors sa venue était plus qu’inespérée. Tout y était, l’avion qui se posait sur la piste, la jolie valise rouge qu’elle traînait et que dire de la boîte à chapeau qui y cachait son cadeau. Celui qu’elle garde depuis toujours sur la tablette de son placard. Une poupée de porcelaine avec une robe rose et bleu brodée.  

Comme les fourmis de ses jambes reprirent une vive allure, elle reprit sa marche et força la cadence. Cependant, à marcher ainsi, elle manqua un détail à ses pieds. Une roche de couleur à s'y méprendre se dressait au travers de sa route et la fit trébucher. Maudissant cet objet qui ne devait pas être là, elle se massa la cheville ayant accusée le coup. Bouillon de colère en provenance de sa source en bitume de magma fusionné, Flavie tempêtait. 

Pour se venger de cette chute, elle décida de foudroyer la coupable, matière inerte à la volonté inerte tout autant, mais elle se blessa à nouveau. Elle voulut alors la prendre dans ses bras et la lancer au loin, ce qu’elle fit d’ailleurs. Étrangement, la roche vola longuement dans les airs avant de retomber. Gravité sans état d'âme, la courbe était au-delà du réel et même au-dessus. Quelle ne fut pas sa surprise de voir que dès l’impact entre le sol et la roche, une ouverture béante se creusa et tout ce qui l’avoisinait se trouva alors aspiré par cette nouvelle cavité. Tourbillon en spirale nocturne sur une teinte d'orangé. 

 Consciente du danger, elle entreprit de courir et de s’éloigner au plus vite de cet aspirateur géant. Bien malgré tout, elle ne put résister bien longtemps. Résignée, elle se laissa glisser dans le noir qui la gagnait. La peur prit alors naissance dans son esprit et glaça ses capacités nouvelles à réfléchir. Paralysée elle était… Le temps semblait s’être effacé et la latence dans l’inertie s’imposa alors. Elle savait qu’elle perdait le contrôle sur la situation et ainsi que perdre sa raison. Elle qui venait à peine de retrouver ses capacités personnelles. Pourquoi avait-t-il fallu qu’elle lance ce caillou qui causait sa perte? Les regrets sont une mer morte dans laquelle se noient les volontés d'avant-hier.  

Tunnel impalpable dans sa chute, elle ne pouvait lutter contre sa situation. Elle descendait au plus bas de sa nuit vers un astre éteint agonisant. Mourir, oui, la mort l'attendait sûrement au détour de sa tragédie. Regrets de perles de larmes en écho mordillaient ses joues roses de voir le jour se tarir de sa beauté. Pourquoi croire en demain, s'il n'existe pas? 

C’est alors qu’un point blanc naquit devant ses yeux, à peine visible. Tel le pigment isolé dans une mosaïque monochrome, il indiquait la destination, sa destination. Priant en vain espoir pour que ce soit le réveil, le sien pour que cesse cette chute, cette perte, cette descente, sa fin.  

Ce dernier grossissait. Intriguée et rassurée, elle patientait et espérait voir dans cette lueur une note d’espoir. Le point muta pour devenir enfin assez grand. Puis elle vit que ce qui le composait était en réalité une vision étrange. En effet, quand elle fut à proximité, elle aperçut une salle immense dans laquelle reposaient des milliers de gens. Ils étaient tous alités et un silence de mort régnait dans ce lieu aux allures de faux sanctuaires. Elle scruta du regard à la recherche d’un visage connu. Mais en y regardant bien, elle ne voyait qu'une majorité de faces sans visage neutre et blanc sans aucune expression. L’image lui glaça le sang, mais pas autant que ce moment précis où elle remarqua une petite fille qu’elle reconnut sans difficulté. C’était elle qui reposait sur un de ces lits immaculés.






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