Soudain, le
ciel s’anima et des nuages se formèrent au-dessus de sa tête. Duveteux, elle les
admira et joua à identifier les formes qui se dessinaient dans le ciel tacheté de
blanc à présent. Classiques au début, elle n’y voyait que des moutons ou des
cœurs. Puis, son imagination se remit en marche et d’autres images défilèrent
sous ses yeux. Simples au départ, comme ceux qui s’apparentaient à un cerf ou encore une
loutre, d’autres, plus complexes, affichaient des scènes familières.
Étrangeté dans la ressemblance avec des événements de sa vie, comme le parc au
coin de sa rue avec l’orme au-dessus du banc en
demi-lune. Que dire, de celui qui se matérialisait au fil de ses pensées? Comme si elle était en parfaite communion avec
les moutons célestes. Elle poussa l’audace jusqu'à forcer l’apparition d’un
souvenir d’enfance qu’elle chérissait par-dessus tout. Le défi était de taille
et elle commençait à douter de sa demande. Les nuages acrobates se liaient et se s’imbriquaient
sans réussir à former ne serait-ce que l’once d’une réussite.
Puis, elle
comprit, la scène se faisait par monceau. L’émotion à
fleurs de larmes de voir l’exactitude des détails qui se formaient devant elle. Le jour où
elle avait reçu la visite de sa tante pour son anniversaire de ses 7 ans. Cette
tante habitait en Écosse depuis deux ans, alors sa venue était plus
qu’inespérée. Tout y était, l’avion qui se posait sur la piste, la jolie valise
rouge qu’elle traînait et que dire de la boîte à chapeau qui y cachait son
cadeau. Celui qu’elle garde depuis toujours sur la tablette de son placard.
Une poupée de porcelaine avec une robe rose et bleu brodée.
Comme les
fourmis de ses jambes reprirent une vive allure, elle reprit sa marche et força
la cadence. Cependant, à marcher ainsi, elle manqua un détail à ses pieds.
Une roche de couleur à s'y méprendre se dressait au travers
de sa route et la fit trébucher. Maudissant cet objet qui ne devait pas être
là, elle se massa la cheville ayant accusée le coup. Bouillon de colère en
provenance de sa source en bitume de magma fusionné, Flavie tempêtait.
Pour se
venger de cette chute, elle décida de foudroyer
la coupable, matière inerte à la volonté inerte tout autant, mais elle se
blessa à nouveau. Elle voulut alors la prendre dans ses bras et la lancer au
loin, ce qu’elle fit d’ailleurs. Étrangement, la roche vola longuement dans les
airs avant de retomber. Gravité sans état d'âme, la courbe était au-delà du réel et même
au-dessus. Quelle ne fut pas sa surprise de voir que dès l’impact entre le
sol et la roche, une ouverture béante se creusa et tout ce qui l’avoisinait se trouva alors aspiré par cette
nouvelle cavité. Tourbillon en spirale nocturne sur une teinte d'orangé.
Consciente
du danger, elle entreprit de courir et de s’éloigner au plus vite de cet
aspirateur géant. Bien malgré tout, elle ne put résister bien longtemps.
Résignée, elle se laissa glisser dans le noir qui la gagnait. La peur prit
alors naissance dans son esprit et glaça ses capacités
nouvelles à réfléchir. Paralysée elle était… Le temps semblait s’être effacé et
la latence dans l’inertie s’imposa alors. Elle savait qu’elle
perdait le contrôle sur la situation et ainsi
que perdre sa raison. Elle qui venait à peine de retrouver ses capacités
personnelles. Pourquoi avait-t-il fallu qu’elle lance ce caillou qui causait
sa perte? Les regrets sont une mer morte dans laquelle se noient les
volontés d'avant-hier.
Tunnel
impalpable dans sa chute, elle ne pouvait lutter contre sa situation. Elle
descendait au plus bas de sa nuit vers un astre éteint agonisant. Mourir, oui,
la mort l'attendait sûrement au détour de sa tragédie. Regrets de perles de
larmes en écho mordillaient ses joues roses de voir le jour se tarir de sa
beauté. Pourquoi croire en demain, s'il n'existe pas?
C’est alors
qu’un point blanc naquit devant ses yeux, à peine visible. Tel le
pigment isolé dans une mosaïque monochrome, il indiquait la destination, sa
destination. Priant en vain espoir pour que ce soit le réveil, le
sien pour que cesse cette chute, cette perte, cette descente, sa fin.
Ce dernier
grossissait. Intriguée et rassurée, elle patientait et espérait voir dans cette
lueur une note d’espoir. Le point muta pour devenir enfin assez
grand. Puis elle vit que ce qui le composait était en
réalité une vision étrange. En effet, quand elle fut à proximité, elle aperçut
une salle immense dans laquelle reposaient des milliers de gens. Ils étaient
tous alités et un silence de mort régnait dans ce lieu aux allures de faux
sanctuaires. Elle scruta du regard à la recherche d’un visage connu. Mais en y
regardant bien, elle ne voyait qu'une majorité de faces sans visage neutre et
blanc sans aucune expression. L’image lui glaça le sang, mais pas autant que ce
moment précis où elle remarqua une petite fille qu’elle reconnut sans difficulté.
C’était elle qui reposait sur un de ces lits immaculés.
Quelle chute !
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