Puis, sur un fragment à capter au vol, je cherche de l’air pour revenir sur terre. Me précipitant à la fenêtre, je l’ouvre rapidement. L’air frais qui emplit mes poumons m’offre un calme et un sursis bénéfique. Je pompe et aspire l’air avec le plus de force possible afin de retrouver mon équilibre mental précaire en ce moment. Je savais que je courais vers ma fin en venant dans cet endroit, mais de vivre ce genre de situation m’effraie bien plus encore. Otage je suis, et ma prison est celle qui se consume dans mon âme en peine.
Hurlant à l’agonie peuplant mon être, je crie de désespoir ne serait-ce que pour espérer être entendu par quiconque, au mieux, être pour quelqu’un. Un son dans la nuit au mieux.
L’astre de ma nuit pointait désormais mon horizon. L’enclave me contenant, m’étouffait et je n’en pouvais plus de cette pièce. D’une rage en colère d’écume fumant, je pousse un violent coup de pied en dessous de la poignée de porte. Un léger craquement m’encourage alors à poursuivre. Soulagement dans cette violence qui épanche ma soif de vengeance contre cette abomination qui hante ce lieu. Succès dans la persévérance la porte cède enfin et l’univers me faisant face m’indique que je suis dans un corridor du second étage.
Le noir éphémère ambiant se voit atténuer par des bougies qui s’allument sur un lit d’étonnement de ma part. Elles semblent surgir du néant tout en m’indiquant la suite de mon périple funèbre. Scintillantes, elles parfument de paraffine et d’un bouquet de fumerole valsant mon hésitante progression. Étrangement, nulle chaleur ne s’en dégage. Au contraire, un froid mordant habite cette maison. Cheminant à tâtons, je distingue le garde-fou me protégeant d’une chute certaine. D’un coup d’œil je reconnais la pièce de mon arrivée. Le statut quo règne et seul mon cœur s’emballe et anime cette demeure. Il tambourine si fort qu’il semble vouloir sortir de ma poitrine.
Soudainement, les bougies semblent vouloir m’indiquer une nouvelle voie. Elles s’orientent différemment vers un endroit sans issue, un cul de sac s’il en est un. Un énorme miroir de fer orné l’encercle. Apposé au mur, mon reflet hésitant y trouve refuge et je n’ai autre choix que de m’observer. Confrontation tout comme, je ne peux détourner le regard tant l’oppression ambiant m’y contraint. Une pression sur ma nuque m’empêche de m’y soustraire tandis que mes paupières semblent étirées par des mains invisibles. Méandre dans l’image qui me fait face, je vois alors une mosaïque de lumière planant dans celui-ci. Hypnotisé, je perds ma vigilance. Tourbillon de confusion dans cet élan de fractal multicolore, je décolore ma vision en proie à l'abandon de soi. Puis, plus le temps passe et s'écoule dans ce face à face, le flou coloré se précise en une forme plus humaine. Les contours se précisent et lentement, un visage m'apparait, le mien en toute banalité. Nulle surprise dans ce fait, toutefois, un détail m'interpelle. Plus je m'observe, plus mes traits se modulent pour se transformer en une autre image. Le blanc orne maintenant ma peau qui se décolore à un rythme d'enfer, mes cheveux tombent et mes yeux virent aux rouges. Voulant me soustraire à cette vision, la pression sur ma nuque s'intensifie. Je peux même ressentir les doigts griffus s'enfonçant dans mon cuir chevelu. Un mince filet chaud me glisse sur la joue, pressentant le pire, je m'en humecte les doigts pour l'observer et ma surprise n'en est pas moins que le rouge carmin qui les teintes.
Souvenirs d'un pas si lointain, je revois en image la scène en terreur lors de mon arrivée en ce lieu maudit. Cette présence qui s'infiltrait en moi par ses doigts osseux. Un goût amer m'emplit la gorge qui se noue presque immédiatement. La nausée me gagne et la panique s'invite dans ma conscience qui survit et peine à demeurer éveillée. Mes yeux fixent toujours le miroir qui me reflète à présent une toute autre image. Celle de la mort qui s'empare de moi, la même qui m'était apparu du haut des escaliers. Elle me consume et me déguste à petit feu. Mes forces s'amenuisent, pourtant je tiens encore debout. Faiblement. Mes jambes hoquètent et tremblent de porter cette masse qui perd de sa vie. Je sens que je vais tomber et perdre ma lucidité. La supplier je voudrais, mais sans voix je suis...
Le filet sanguin s'épaissit sur mon visage livide, et je sens que ma vie m'échappe. Alors que mes jambes fléchissent, une sensation de douceur se vautre sous moi et mon corps bascule à la renverse.
Une lumière diffuse et vive à la fois me floue le regard. Des sons et des odeurs étranges envahissent mon avenir et je divague de non-sens face à ce qui se passe. Murmures en musique d’ambiance, je frissonne d’inconnu. M’échapper je dois et rapidement. Mon corps est lourd et tremble d’effort, mais des liens retiennent mes membres. Scénarios en panique tournent en boucle dans ma tête. La peur s’empare de moi et je tente par tous les moyens de fuir cette salle immaculée. Le sablier de ma vie s’écoule vers sa fin, il est là bien en place au-dessus de moi. Je sens la mort me nourrir de son fiel. À ma droite, confusion dans la vision que je vois, le sable doré se métamorphose en compte-goutte.
Une voix, sourde se faufile jusqu’à moi. Elle s’accompagne d’une ombre qui s’approche de mon visage.
- M Fraser… M Fraser, répondez moi… Vous m’entendez M Fraser.
Muet dans mon silence, je tente à présent de recoller des morceaux.
- M Fraser, vous m’entendez… Vous être à l’hôpital… on vous a retrouvé inconscient dans le corridor de la chapelle.
Noir dans les souvenirs qui se chevauchent, mon esprit surchauffe de ne plus rien comprendre. Qui est donc ce M Fraser ?
—M Fraser, détendez-vous. Vous avez une vilaine blessure sur la tête. On croit que c’est survenu alors que vous marchiez dans les corridors. On a retrouvé des éclats de miroir sur le sol. Vous avez besoin de repos, détendez-vous… le soluté va vous aider.
Au fond de sa chambre, M Fraser s’est éteint. Les médecins ont tenté à bien des reprises de le réanimer, mais en vain. La perte de sang et la fragilité de l’homme ont finalement eu raison de lui. La famille, à son chevet, vivait d’ambivalence devant les faits accomplis. Soulagée que les souffrances de leur père se soient enfin endormies. Ils avaient tellement été éprouvés depuis l’annonce du diagnostic. Le mot démence avait mis le doigt sur une situation devenue invivable pour eux. Nul ne pouvait le prendre à sa charge et le placement avait été une évidence dans l’absence de choix. Impuissants et résignés, ils étaient…
Toutefois, la perte de leur père faisait d’eux des orphelins, car leur mère les avait quittés il y a deux ans. Le chagrin gorgeait leurs pleurs incessants.
Tandis qu’au creux de son trépas, M Fraser sur son âme perché, constata que le pire des bourreaux dans la vie, était bien trop souvent, celui qui nous fait face dans le miroir… Et que la libération soudaine de son fardeau de vie est bien souvent, une cure sans lendemain.
Bravo! Tu nous offres là tous les ingrédient qu'il faut pour obtenir une nouvelle époustouflante. Cela admis, et en faisant moi-même l'expérience à chaque relecture de ma saga (pas moins de six volumes au format standard) je suis persuadé que tu finiras par en faire quelque chose d'exeptionnel !
RépondreSupprimerMerci brave homme!!! Je peine à écrire en ce moment, tout est ardu et loin de la fluidité d'il n'y a pourtant pas si longtemps! Je garde ton conseil sous la main et retravaillerai ce texte! Merci encore!!!
SupprimerUn très beau texte Mathieu. J'ai adoré. Et cela m'a fait réaliser à quel point je dois prendre le temps de venir sur ce blog magnifique malgré le temps qui se faufile en ce moment!! Merci!! ;)
RépondreSupprimerMerci Gente Dame! Nulle faute pour le temps consacré au blog, vous avez bien des projets en marche et il ne faut pas les négliger! Bonne continuation et merci encore!
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