samedi 21 mai 2016

Sensation, partie dernière

Le temps est à la vie, l'importance qu'on lui accorde. Ainsi, Mathis, délirait dans un coma sans heure ni jour. En fait, il ne savait plus où il était ni, ni qui il était... Était-il encore vivant? La question lui brûlait les lèvres de son insignifiance, car avait-il réellement vécu? Question en surenchère, est-ce vraiment vivre que de répéter le quotidien sans le remettre en question? Comment peut-on même penser que l'on puisse définir ce qu'est la vie? Car tenter l'expérience, c'est signer l'arrêt du changement, car une définition circonscrit  un état et freine l'évolution.

Sur cet état de conscience, l'éveil de Mathis se fit tout autre. La fissure de sa chambre en avait créé une en lui. Rage en rébellion, il délia son mutisme d'antan en un écueil d'hurlements répétés. Cristallisant sa conviction nouvelle, il se releva, lentement, chancelant, mais il serait debout à présent. Refusant l'ignorance qui l'avait ceint depuis sa naissance, il continua son œuvre inachevé et frappa de tout son corps les murs-barreaux. La douleur lui était à présent étrangère tant l'appel de la liberté bouillonnait en lui. L'effort soutenu porta fruit, car ce qui le séparait du monde céda sous l'ultime coup de pied. Le mortier et la pierre que composaient sa cellule s'effrita dans un nuage de poussière. Masquant son visage pour  lui épargner le désagrément de la chute de son mur, il souffla de satisfaction.

Il patienta un temps, le temps nécessaire. Le changement s'accompagne bien souvent d'un vertige. Dilemme en ambivalence jonglant avec les doutes liés à la nécessité de ce même changement. Cette latence se transpose souvent en monologue interne jouant des pour et des contres afin de conforter l'option choisie au final. Balance entre sécurité et audace, statu quo et évolution, survivre ou vivre...

Puis, une fois le vide fait en lui, convaincu, il fonça tête première vers l'aura de lumière qui se tenait à présent devant lui. La peur l'avait quitté, tout comme lui le faisait avec ce lieu d'ailleurs. Déchirure du passé, il écrirait son futur, ironiquement, sur une page blanche. Vierge. Innocence en émerveillement il palpa de son être, le monde extérieur pour la première fois. Baptême de frisson face à cette surabondance de stimulation.

La lumière jaune du jour lui piquait les yeux. Le soleil, en brûlure soudaine le gratifia de sa chaleur généreuse. Le sol en verdure abondante lui chatouillait la pointe des pieds. Il se plaisait à écarter ses orteils afin de mieux ressentir cette sensation nouvelle et plaisante. Il ferma les yeux afin de mieux intérioriser, savourer, jouir et se repaître du moment présent. Il put vivre la douce caresse de la brise suave et enveloppante qui parcourait les quelques endroits où sa peau était exposée. Mélodie joyeuse et sereine de ce même élément se joignait au chant vagabond des oiseaux qui valsaient en plein ciel. Printemps, en âme généreuse, le parfum des lilas trouva son chemin vers l'épanouissement de ses sens enfin déliés de son enceinte.

Joie en extase de vivre, il pleura de vie. Flot incessant en ruisseau sur ses joues blanches de son passée encavé, il sentait son cœur se gonflé de bonheur bouillant. À cet instant précis, sur le seuil de sa nouvelle vie, il sut qu'à présent il pouvait mourir sans regret, parce qu'il avait goûté à l'essence du monde.


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