mercredi 4 mai 2016

Sensation, partie première

Le mur est un silence. Il en placarde les sens, le cloître et l’asphyxie de par sa nature à le couper de l’extérieur. Opaque, il ne peut par définition être seul. Il est pour entourer, accompagner, joint du haut comme du bas. Bref, pour couper l’être emmuré de ce qui l’entoure, l’isoler. 
D’où l’expression « emmuré dans son silence ».




Mathis ne connaissait rien d’autre que ceci : le blanc. Vérité détenue en contact avec son environnement. Blanc, immaculé, vierge, absence de couleur. D’ailleurs, le concept de couleur lui était inconnu. Blanc. Seul au milieu de soi-même, il n’était qu’une personne au creux de sa cellule, blanche. Il en avait toujours été ainsi, les souvenirs de son arrivée dans ce lieu sont absents. Une coquille vide.

Les murs, tout comme lui, étaient blancs. Un blanc mat, qui ne reflète que l’ombre de celui y fait face, sans éclat. Les parois de son univers étaient lisses et sans bavure. De bois ils étaient. La peinture avait été soigneusement appliquée à l’exception du coin qui surplombe son lit. Son lit, l’unique mobilier qui composait son environnement, couvert de draps blancs.  Doux et soyeux. Un coton rassurant qui se froisse peu malgré les nombreux mouvements de sa nuit.

Mathis était un être sans pilosité aucune, nulle pousse capillaire également. Les vêtements dont il s’habillait étaient d’une blancheur familière. Les mêmes, jour après jour. Il en connaissait toutes les coutures, la texture, l’odeur, l’imperfection sous la seconde boutonnière.

Un savoir se crée à partir de ce que l’on côtoie, confrontation entre ce qui est et l’inconnu qui l’entoure. Ainsi Mathis n’était qu’une page blanche. L’isolement crée l’énucléé. Nul miroir pour lui refléter son image, il n’était que ce qu’il palpait, car l’image se crée de ce qui se construit mentalement. Était-il vraiment?

L’alimentation qui le nourrit se réduit à des comprimés monochromes sans saveur, il la trouvait toujours au pied de son lit sur un plateau de couleur assorti au décor. Il ne savait pas qui la lui apportait, mais il ne s’en souciait guère. Il en avait toujours été ainsi, du plus loin qu’il se souvienne. Comment peut-on désirer quand tout nous est inconnu? La clé du bonheur serait-elle l’ignorance?

Dire qu’il était malheureux serait un aphorisme, car comment pourrait-il l’être s’il ne peut se comparer avec autrui et ce qu’il n’a pas, ne connaît pas. Donc, il est sans aucun désir, conviction, ni déception. Sécurité dans l’apparence d’un vase clos, d’une tour d’ivoire ou encore d’une prison…

Ainsi, le temps s’écoulait vers le bas de sa coupe sans heurt ni souci. Le temps n’est qu’une unité de mesure inventée par ceux qui veulent le contrôler. Le jalon du temps ne fabrique que l’histoire et pour Mathis, il ne lui est d’aucune utilité, car il n’en a pas. Le métronome de son quotidien consistait à établir l’ordre de l’inertie. Tourner en cage, sans savoir qu’il est ses propres barreaux, consiste à se complaire de son état/situation.


Or un jour parmi les autres, écho dans l’inaudible de son habitacle séculier, une brèche apparût. Insignifiante, petite, mais l’accro dans la déco, car elle laissait poindre un éclat de lumière diffuse. Une fissure. Comment diable était-ce possible? Rien ne pouvait survenir dans ce lieu stérile, car rien ne devait perturber l’équilibre de néant. Non, rien…

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