Le mur est un silence. Il en placarde les sens, le cloître
et l’asphyxie de par sa nature à le couper de l’extérieur. Opaque, il ne peut
par définition être seul. Il est pour
entourer, accompagner, joint du haut comme du bas. Bref, pour couper l’être
emmuré de ce qui l’entoure, l’isoler.
D’où l’expression « emmuré dans son
silence ».
Mathis ne connaissait rien d’autre que ceci : le blanc.
Vérité détenue en contact avec son environnement. Blanc, immaculé, vierge,
absence de couleur. D’ailleurs, le concept de couleur lui était inconnu. Blanc.
Seul au milieu de soi-même, il n’était qu’une personne au creux de sa cellule,
blanche. Il en avait toujours été ainsi, les souvenirs de son arrivée dans ce
lieu sont absents. Une coquille vide.
Les murs, tout comme lui, étaient blancs. Un blanc mat, qui
ne reflète que l’ombre de celui y fait face, sans éclat. Les parois de son
univers étaient lisses et sans bavure. De bois ils étaient. La peinture avait
été soigneusement appliquée à l’exception du coin qui surplombe son lit. Son
lit, l’unique mobilier qui composait son environnement, couvert de draps
blancs. Doux et soyeux. Un coton
rassurant qui se froisse peu malgré les nombreux mouvements de sa nuit.
Mathis était un être sans pilosité aucune, nulle pousse
capillaire également. Les vêtements dont il s’habillait étaient d’une blancheur
familière. Les mêmes, jour après jour. Il en connaissait toutes les coutures,
la texture, l’odeur, l’imperfection sous la seconde boutonnière.
Un savoir se crée à partir de ce que l’on côtoie,
confrontation entre ce qui est et l’inconnu qui l’entoure. Ainsi Mathis
n’était qu’une page blanche. L’isolement crée l’énucléé. Nul miroir pour lui
refléter son image, il n’était que ce qu’il palpait, car l’image se crée de ce
qui se construit mentalement. Était-il vraiment?
L’alimentation qui le nourrit se réduit à des comprimés
monochromes sans saveur, il la trouvait toujours au pied de son lit sur un plateau
de couleur assorti au décor. Il ne savait pas qui la lui apportait, mais il ne
s’en souciait guère. Il en avait toujours été ainsi, du plus loin qu’il se
souvienne. Comment peut-on désirer quand tout nous est inconnu? La clé du
bonheur serait-elle l’ignorance?
Dire qu’il était malheureux serait un aphorisme, car comment
pourrait-il l’être s’il ne peut se comparer avec autrui et ce qu’il n’a pas, ne
connaît pas. Donc, il est sans aucun
désir, conviction, ni déception. Sécurité dans l’apparence d’un vase clos,
d’une tour d’ivoire ou encore d’une prison…
Ainsi, le temps s’écoulait vers le bas de sa coupe sans
heurt ni souci. Le temps n’est qu’une unité de mesure inventée par ceux qui
veulent le contrôler. Le jalon du temps ne fabrique que l’histoire et pour
Mathis, il ne lui est d’aucune utilité, car il n’en a pas. Le métronome de son
quotidien consistait à établir l’ordre de l’inertie. Tourner en cage, sans
savoir qu’il est ses propres barreaux, consiste à se complaire de son
état/situation.
Or un jour parmi les autres, écho dans l’inaudible de son
habitacle séculier, une brèche apparût. Insignifiante, petite, mais l’accro
dans la déco, car elle laissait poindre un éclat de lumière diffuse. Une
fissure. Comment diable était-ce possible? Rien ne pouvait survenir dans ce
lieu stérile, car rien ne devait perturber l’équilibre de néant. Non, rien…
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