samedi 2 novembre 2019



TISIPHONE OU LA VENGEANCE

Chapitre 1

Un jour nouveau. Un jour de plus. Mais qu’est-ce qu’une simple journée ? Ou un mois ? Une année ? Un siècle ?  Et même un millénaire ?
Je suis là depuis si longtemps que je ne compte plus. D’ailleurs, je ne sais pas quand tout cela a débuté. Suis-je née un jour ? Pour moi, l’éternité s’étale aussi bien vers le passé que vers l’avenir. On m’a donné tant de noms qu’aucun ne me correspond plus. Je me souviens pourtant de jours plus heureux où l’on était fier de me montrer à tous. D’instants de liesse où je paradais en tête des cortèges royaux. D’alcôves intimes et chaleureuses où l’on m’admirait et jalousait ma beauté. De fêtes flamboyantes où les plus grands seigneurs se vantaient de me posséder, moi qui ne fus jamais à personne. D’instants de grâce où l’on me couchait sur les plus belles tentures pour me vénérer telle une déesse vivante. Heureux étaient ces moments durant lesquels il m’était donné de côtoyer le monde extérieur et toutes ses richesses.
Mais, depuis longtemps, je n’ai plus vu la lumière du soleil. Existe-t-il encore cet astre qui exaltait mon éclat ? Aujourd’hui, je me contenterais d’un seul rayon de lune. Un seul suffirait à réchauffer mes veines glacées par des lustres de solitude et d’enfermement dans ce sous-monde noir et obscur. Ici, rien ne bouge, rien ne vit, rien ne luit. Seules, mes pensées occupent mon univers.
Depuis si longtemps, je n’ai plus entendu le souffle du vent dans les branches des sapins. Il y a tellement de temps que je n’ai plus senti l’odeur du feu de bois dans la cheminée ou le parfum des roses du jardin. Tant d’années… de siècles ? que je ne m’en souviens qu’à peine. Il me semble que seul subsiste mon esprit. Ai-je encore une matérialité dans cette gangue de pierre ? Dans cette froideur et cette noirceur, suis-je encore quelque chose ? Aucune sensation ne vient interrompre mes réflexions nocturnes. Mes idées fusent parfois sans que je puisse les retenir. Elles passent alors dans une fulgurance si violente qu’elles auraient dû détruire mon corps… si j’en avais un. A d’autres moments, elles ralentissent tant qu’elles en deviennent de cruelles obsessions. Une torture si lancinante s’empare de tout mon être qu’elle déchirerait mon cœur… si j’en avais un. Cela veut il dire que je ne suis plus rien ? Si tel est le cas, pourquoi et comment ces questions me viennent-elles ?

Je ne sais pas ni où ni quand je suis née. Je ne sais pas ni quand ni où je suis aujourd’hui. Et je ne sais plus si je suis encore quelque chose.

2 commentaires:

  1. Merci pour cette perspective de la ronde du temps... et des vies... de nos vies successives ... Peut etre... Ronde qui nous rappelle nos vascillements entre nos parts de lumière et d'ombre... La toupie tourne bien vite en ce moment et peut etre que la suite de tes circonlocutions sur l'immensité blanche de tes prochaines pages nous permettra de trouver un ilot de paix en attendant la prochaine épreuve ? Bises et merci ! Francis

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  2. Merci Francis de ce gentil commentaire. Le prochain chapitre sera... surprenant. Tu risques même de te dire que ce n'est pas la même histoire. Mais si. :-) Par contre, il s'agit d'une nouvelle fantastique noire... la paix et la compréhension n'arriveront qu'en toute fin... peut-être. :-)

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