TISIPHONE OU LA VENGEANCE - CHAPITRE 6

Bulletin mensuel du Saint-Chrysolidien – lundi 15 février

« LE FEU L’A MANGÉE TOUT ENTIERE »

Nos lecteurs savent que le lieu-dit La Pierre Blanche a connu depuis ces derniers mois de sombres évènements. Mais celui de la nuit dernière surpasse de loin les deux premiers drames.

Ce fut, tout d’abord, le mystérieux incendie de la maison des Dietrich qui a coûté la vie aux parents et à leur fille Zahia. Le couple, nouvellement installé dans notre commune, s’était déjà bien intégré et était apprécié de tous. Rappelons que, cette nuit du 22 novembre, le départ du feu avait été relevé dans la cave de la maison familiale par les pompiers mais qu’ils n’ont pas su, par la suite, en expliquer les raisons. L’enquête n’a pas retenu de motif criminel ni même accidentel ne délivrant ainsi aucun éclaircissement à la famille endeuillée et aux amis éplorés.

À peine un mois et demi plus tard, notre communauté était encore une fois douloureusement frappée par le décès d’un enfant. Le corps gravement brûlé de Damien Petit, âgé de quatorze ans, était retrouvé le 2 janvier par les forces de l’ordre sur ce même terrain. Chacun se souvient des longues investigations et de la piste menant à Paul Desbois, sans-domicile-fixe, bien connu dans le quartier pour ses accès de colère avinée. L’espoir de trouver et de condamner le coupable de ce drame fut brutalement déçu après la découverte du cadavre du sans abri, mort de froid deux jours avant Damien. L’enquête est toujours en cours et les autorités ne donnent que peu de renseignements.

Aujourd’hui et pour la troisième fois, Saint-Chrysolide est le théâtre d’une actualité dramatique touchant encore la jeunesse et se déroulant à nouveau à La Pierre Blanche. Hier soir, Léa Fournier, fille de notre médecin et âgée de quinze ans, est décédée dans des circonstances qui restent à élucider.

Vers 18h30, après son cours de danse classique hebdomadaire, elle s’est rendue à la maison inhabitée des Dietrich pour y retrouver son copain de classe, Erwan Gilbert. Selon son amie d’enfance, Emma Castelan, tous deux se donnaient régulièrement rendez-vous en soirée depuis deux semaines. Les parents du petit Erwan, encore très choqué, ne nous ont pas autorisés à l’interviewer. Mais il leur aurait confié entre ses larmes que « des flammes ont sauté de sous la maison et ont emprisonné Léa ». Il dit être resté interdit par la brutalité et la rapidité du « feu qui l’a mangée tout entière». En effet, il ne reste que peu de choses du petit corps de Léa presqu’entièrement carbonisé.

L’officier de Police Judiciaire Jules Chambon ne fait, pour l’instant aucun lien entre les décès précédents et celui de Léa malgré les similitudes évidentes. Il se refuse à commenter et à répondre à nos questions se contentant d’un « l’enquête commence tout juste ».

Monsieur le Maire, interrogé ce matin, nous assure que la lumière sera faite et qu’il informera ses administrés au fur et à mesure de l’avancée de l’affaire. Il ajoute que la sécurité des Saint-Chrysolidiens est sa priorité et qu’il mettra tout en œuvre pour que le ou les coupables soient traduits devant la justice.

D’autres voix se joignent à la sienne. Le comité « voisins vigilants » annonce que les rondes seront dorénavant journalières dans le quartier. Le groupe « Coeurs Chrétiens » viendra soutenir la famille dans son deuil et fera donner une messe dimanche prochain. Le président de l’association « St Chrysolide dans l’Histoire »,  Monsieur Calmain, a demandé l’autorisation de clôturer le site de La Pierre Blanche afin d’en condamner l’accès. Parmi ces initiatives, une autre idée circule dans la communauté. Il se dit qu’il faudrait interroger la précédente propriétaire des lieux, une riche héritière vivant en région parisienne, sur le passé de ce terrain et particulièrement sur les fondations de l’ancienne maison qu’elle avait reçue de sa mère. « Elle devrait nous dire pourquoi elle a fait raser le manoir dès après le décès ». Il se dit encore que «  Monsieur le Curé serait avisé de faire bénir voire exorciser cette terre qui a déjà ravi trois de nos enfants ».

Mais l’heure n’est pas aux supputations fantaisistes alors que la famille Fournier pleure sa petite Léa. Le journal adresse toutes ses condoléances aux parents de Léa et tout son soutien à la famille Gilbert.

                   Correspondant local : MP