samedi 13 octobre 2012

La visiteuse.

Sans prévenir, elle s'immisce lentement, enrobant d'abord mes chevilles, mes jambes, puis mon être tout entier. Sans invitation, elle s'installe, m'enveloppant de sa présence, épiant ma nuit à peine déroulée. La visiteuse fait corps avec moi, colle à ma peau, m'interroge à voix basse et insiste pour bavarder au lit sans toutefois fermer l’œil.  Quoique habituée à ses visites impromptues, je suis inconfortable et prisonnière, tendue depuis peu comme la corde de l'arc, pourtant prête il y a quelques minutes à laisser la flèche du sommeil s'envoler. Je respire lentement, je ne peux plus m'endormir à présent.

Alors, nous nous levons et marchons d'un même pas, histoire de bien saisir ce qui se passe.  Je lui offre un breuvage chaud, j'allume une lampe sur son passage, je lui recouvre les épaules d'une petite laine bien chaude.  À ce moment précis, le spectacle se déploie et une expression s'impose pour la décrire: "Une vraie pie!"

Pour avoir cent fois combattu sa présence, m'être rebellée, lui avoir crié de partir, je choisis cette fois l'écoute active.  Je la laisse donc déballer son interminable bavardage, me réfugiant dans un silence qui hoche la tête de temps en temps. De longues et interminables minutes s'égrainent, toutes aussi déplorables les unes que les autres...Je sens l'envie de lui répondre, de m'objecter mais je résiste.  Mon accompagnatrice dit des sottises, en fait elle arrive même à me faire douter de moi; je me mets alors martel en tête, je réfléchis, je ne m'endors plus.  Ça y est! Je suis complètement réveillée!  Elle ne saisit pas qu'elle monologue et passe en revue ma journée entière, questionne, décortique ma dernière semaine, m'interpelle, revisite la page entière du calendrier, me fait des remarques désobligeantes.  Je suis coite, j'ai un seul souhait, la voir partir. Mon lit douillet m'attend, je suis tellement fatiguée de l'entendre. Ce bavardage est de la caféine pure! 

Elle a tout déballé, parle maintenant moins fort, et sans que je comprenne entièrement pourquoi,  je sens une lassitude la gagner, comme un engourdissement bienfaisant, la laissant à peine capable de marmonner! Cachée dans son égo, la voici qui répète son discours, repose la même dernière question, s'embrouille, s'excuse, s'immobilise.  L'intruse, cette folle de la nuit, cette forme insomniaque se désarticule visiblement. Faisant fi de toute ma personne, elle s'évanouit et se métamorphose en courant d'air.  Bien fait pour moi!  Enfin, elle a disparu, je suis complètement seule et épuisée. Vous arrive-t-il, comme moi, d'être aux prises avec une telle insomnie?

Quelques heures avant l'aurore, les pieds pesants, les yeux à demi-fermés, je regagne mon matelas-bateau, mon île au trésor, mon petit oreiller.  Tout ce que je désire en ce moment, c'est plonger profondément dans le sommeil!





 


1 commentaire:

  1. Je la connais que trop bien ! Je ne savais pas qu'elle te rendait visite aussi. Belle approche et belle image vouant la personnification de l'insomnie!

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