sir, mais là, vraiment plaisir,
je cueillais pour elle les petites cerises à grappes que je déposais
dans un pot de verre rempli d'eau salée. Quelques heures d'attente
dans cette saumure faisaient gonfler les fruits et les rendaient succulents.
Je l'observais du haut de mes 8 ans, assise tout près d'elle, dans un coin
de l'immense cuisine. Mon arrière-grand-mère était maigre et très ridée,
mais ce qui m'impressionnait le plus c'était ses grosses lunettes de soleil qu'elle
portait du matin au soir dans la maison. De ses longues mains décharnées,
après qu'on lui ait vidé l'eau du pot, elle tentait de prendre tant bien que mal,
une poignée de petites cerises surettes. Elle ne grimaçait pas du tout tellement
elle savourait ce plaisir. Les nombreux noyaux circulaient de gauche à droite
dans sa petite bouche gourmande. Puis, elle en rejetait quelques uns,
puis quelques autres et replongeait ses doigts dans le contenant précieux.
Pas un mot elle disait, se concentrant sur sa collation.
Mon aïeule vivait chez sa fille, ma grand-mère et ne voyait plus. Elle se trouvait
dans une nuit perpétuelle. Lorsqu'elle se levait de sa chaise, je me
plaçais dos devant elle et doucement, elle déposait ses mains sur mes
épaules. À deux, on formait une véritable équipe. Oh! c'est pas qu'on
allait très vite, mais on
avançait et je la conduisais à sa chambre. Je me sentais grande et essentielle
dans ces moments-là. Elle contournait le lit à tâtons, ouvrait et refermait un tiroir
rapidement, glissant ce que je croyais
être une pièce de monnaie dans la poche de son tablier de dentelle
usée. À la fin du parcours, lorsqu'elle reprenait place
dans sa chaise berçante, mine de rien, elle déposait une rondelle de 25
sous dans ma main. C'était sa façon à elle de me dire qu'elle m'aimait.
C'est longtemps plus tard que j'ai appris qu'elle était atteinte de diabète, ce qui
avait causé la cécité. Éva Therrien-Jolin, mère d'Antoinette, ma grand-mère, je te salue!
de l'immense cuisine. Mon arrière-grand-mère était maigre et très ridée,
mais ce qui m'impressionnait le plus c'était ses grosses lunettes de soleil qu'elle
portait du matin au soir dans la maison. De ses longues mains décharnées,
après qu'on lui ait vidé l'eau du pot, elle tentait de prendre tant bien que mal,
une poignée de petites cerises surettes. Elle ne grimaçait pas du tout tellement
elle savourait ce plaisir. Les nombreux noyaux circulaient de gauche à droite
dans sa petite bouche gourmande. Puis, elle en rejetait quelques uns,
puis quelques autres et replongeait ses doigts dans le contenant précieux.
Pas un mot elle disait, se concentrant sur sa collation.
Mon aïeule vivait chez sa fille, ma grand-mère et ne voyait plus. Elle se trouvait
dans une nuit perpétuelle. Lorsqu'elle se levait de sa chaise, je me plaçais dos devant elle et doucement, elle déposait ses mains sur mes épaules. À deux, on formait une véritable équipe. Oh! c'est pas qu'on allait très vite, mais on
avançait et je la conduisais à sa chambre. Je me sentais grande et essentielle
dans ces moments-là. Elle contournait le lit à tâtons, ouvrait et refermait un tiroir
rapidement, glissant ce que je croyais être une pièce de monnaie dans la poche de son tablier de dentelle usée. À la fin du parcours, lorsqu'elle reprenait place
dans sa chaise berçante, mine de rien, elle déposait une rondelle de 25 sous dans ma main. C'était sa façon à elle de me dire qu'elle m'aimait.
C'est longtemps plus tard que j'ai appris qu'elle était atteinte de diabète, ce qui
avait causé la cécité. Éva Therrien-Jolin, mère d'Antoinette, ma grand-mère, je te salue!
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