L’horloger
de ma chute est patient, il œuvre avec toute la minutie de celui qui
a le droit et le pouvoir d’attendre. Mieux, il est celui qui
ordonne au temps, se fait répit, simple sursis devant l’éternité
héritée.
Il
observe et planifie chacune de ses attaques sur le seuil de ma
déroute. Tressaillement du vieillissement prématuré. Chemin de la
vision trouble, je m’égare le temps d’un engrenage défaillant,
atteint au centre de son utilité. Déflagration de mes mécanismes
intratemporels, distorsion de ma perception jusqu’à ce que le
processeur des comportements adaptatifs joue son rôle. Équilibre en
perte de détresse, mes pas foulent le sol de nouveau, ayant l'atout
d'une fragilité en plus, assurance amoindrie.
Hésitante
progression dans l’attente d’un assaut promis. Craintes en
délire, appréhension du doute, mes certitudes et ma foi en meilleur
s’amenuisent. Porte ouverte sur une peur de vivre dans les dédales
d’une soumission assumée, mais incomprise. Soumis devant
l’impuissance du plus grand et plus fort que soi. L’ombre du
méfait borde mon allée sans chance de retour.
Rouage
après rouage, ma vie s’égare en perte de repère, en perte de
vitesse, détérioration de ma mécanique aux engrenages édentés,
vacillant entre efficacité nulle et inutilité. Soupir du rêve d’un
passé oublié. Table rase d’une identité assaillie par l’inconnu
sans âme ni charité.
Fragilisé,
brisé, j’erre en ralenti dans l’antre de l’attente. Brèche
entre deux temps, j’étire les secondes. Peau meurtrie par les
peurs rongées, je peine à cicatriser ma vie pansée. Courbé sous
le poids du temps écoulé, goutte à goutte, je m’assèche de
n’avoir rien à boire, rien à voir. Cécité de l’espérance.
L’horloger
savoure ses effets à mon égard, triomphe de l’injustice face à
cet ennemi invisible. Il a ce regard satisfait, il prépare à dose
calculée son dernier assaut. Dernier rouage aux dents usées de mon
souffle de vie, perte de vitesse dans l’inertie qui gagne ma route.
Contre
temps à contrecœur, je ferme mes yeux rougis. Je toise dans le
noir, l’invisible sur la ligne d’horizon, le temps n’a plus de
corps, mais agit sur le mien. Contre coup d’une gourmandise de cet
horloger ennuyé par son travail.
Dernier
soupir face à mon regret, à mon reflet tamisé par l’usure du
temps. Vestige d’un visage éclairé par l’ombre de son passage.
Vie surpassée dans le statu quo de mon exil, je trépasse dans
l’oubli de ce qu’a été ma condition terrestre.
Ce sont les contrastes qui ressortent ici et qui font sourciller de belle façon la lectrice que je suis. ...goutte à goutte, je m'assèche...cicatriser ma vie pansée...perte de vitesse dans l'inertie...l'invisible sur la ligne d'horizon... le temps n'a plus de corps mais agit sur le mien...visage éclairé par l'ombre...
RépondreSupprimerL'impossible sommeil m'interdisant l'horizontal de mon lit.... je fus agréablement réjouie de te lire.