dimanche 22 février 2015

Le marionnettiste, deuxième partie et fin

L’artifice fonctionnait à merveille. Les spectateurs ne pouvaient détacher leurs yeux de cette scène où lentement, se dessinait l’avenir de leur propre existence… sans qu’ils ne se doutent de quoi que ce soit.

Tonnerre dans le cœur de sa méfiance, le marionnettiste s’appliquait à user de patience pour que tout se passe pour le mieux de sa personne. Les doigts agiles dansaient dans les airs sur un nuage de valse à remous.

Ils aimaient ces instants, ces moments où tout lui semblait magique, la touche qui faisait briller son talent d’artiste de bout de bois. Seul dans son univers, il s’enfermait dans sa mise en scène et ses rêves se toilaient dans sa tête. Il voguait sur une nappe de bonheur passager, celui qui lui permettait de survivre au triste quotidien. Exutoire dans le labyrinthe de ses propres méandres, il chantait pour lui seul, le refrain de sa mélodie préférée. Sans gêne, il se laissait porter par cette voix qui dansait sur la folie de son esprit ficelé à tour de rôle…

Le temps filait de sa prestation qui ornait cet univers paradoxal de ce concept. L’absence d’être vivant sur scène favorisait un détachement propre que l’œil ne se méfie pas du message qu’il y renvoyait.

Le silence dans le calme qu’il tamisait offrait aux spectateurs la latitude du détachement cérébral. État d’ébriété consciente qui ouvrait à l’artiste, grande la porte de la manipulation de masse. Mécanisme pervers qui entre sans mépris ni regret.

Le marionnettiste soucieux de bien livrer son message souriait dans l’agitation intemporelle de ses ficelles à tirer.

Puis, le moment d’user du charme se pointait sous le signe de l’instant précis. Il ferait sa première victime et son choix était fait depuis longtemps. Choisir la vulnérabilité du premier siège tenait d’un cadeau du ciel, il l’avait remarqué dès son arrivée, naïveté dans la candeur de son insouciance.

D’une main habituait, il fit aller sa marionnette dans le miroir du reflet de sa proie. Lentement de sa foulée, il hypnotisait l’être qui se voyait désormais dans ce pantin. Le pauvre commençait même à bouger dans la volonté qui ne lui appartenait plus. Il était maintenant dans les filets de l’autre… Il ne s’appartenait plus… Il n’était plus. Son âme volage en peine de voir le jour se réfugia dans le cœur de bois de ce pantin en jumeau de scène. Heureusement, personne ne vit cette aurore voguer dans cette transition. Pourtant, ce transfert était d’une telle beauté, myriade de couleurs vives en serpentins sur des airs de montagnes russes. Le marionnettiste, jamais, non jamais, ne se laissait de voir cette magie à l’œuvre.

Une à une, les victimes se mirent à tomber dans le tableau de leur insignifiance. Le marionnettiste, en araignée tisseuse, avait su capter l’essence de ces êtres blafards. La salle maintenant sous l’emprise de ce maître ne s’appartenait plus. Ce dernier esquissait un sourire carnassier et satisfait. Il savait que désormais, dociles et soumis, ils retourneraient vers leur vie de routine s’alimentant à coup de stunt publicitaire et de téléréalité.


Le marionnettiste avait encore frappé, et repu à présent, retourna à sa cache habituelle se nourrissant des âmes nouvelles pour alimenter sa fournaise. Dans un halo de réflexion à demi feutrée, il prit place en se questionnant si un jour… si un jour viendra le temps où enfin l’espèce humaine comprendra son essence. C’est-à-dire… peu en effet… Sinon que le carburant pour cette belle machine qu’est la vie…

Et c'est ainsi que le rideau tomba...

8 commentaires:

  1. Waouh ! Je ne m'attendais pas à ça quand j'ai lu ta première partie. Ton marionnettiste fait peur... Très peur même ! Mais il nous ouvre aussi un peu les yeux... J'écris un peu, parce qu'il est vraiment très fort... et peu serons ceux qui sauront se soustraire à son regard machiavélique... Bravo Mathieu... Tu viens de me surprendre !

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    1. Merci Gente Dame de la Strophe! N'est pas manipulé qui croit! Pantin... nous sommes tous les pantins de quelqu'un d'autre...

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  2. Accrocher a ton histoire du début à la fin. Effectivement nous sommes tous les pantins de quelqu'un d'autre.À nous d'en prendre conscience et de libérer ces ficelles que nous retenons trop souvent, pour simplement flatter notre ego!

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    1. Merci gente Dame! L'important s'est de savoir défaire ces liens qui nous lient à nos manipulateurs. Bref, s'en affranchir!

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  3. une seconde partie aux conséquences diaboliques. le message sous-jacent est encore très fort dans des tournures de phrases qui te sont tout à fait personnelles. le tout retient le regard et emprisonne l'esprit dans le filet de l'araignée. Des pantins que nous sommes tous, les uns des autres et parfois même de soi même. Et j'aime aussi beaucoup ta réponse à Carole. En prendre conscience pour tenter de s'en défaire et donc garder grands ouverts les yeux et l'esprit critique. Bravo Mathieu, une belle prestation. Tu pourrais en faire une nouvelle de cette histoire en racontant le passé de ce marionnettiste et peut être aussi son avenir.

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    1. L'idée de rendre plus longue cette nouvelle m'intrigue et me "titille" l'esprit! Peut-être pourrais-je m'y mettre! Merci Gente Dame, tant pour le commentaire que pour la suggestion!

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  4. voilà. Je mets à execution ce plan machiavelique enfin... Laisser un mot sur ton blog... Oui tu m'as donné la clé, Mathieu, alors que mes tentatives se sont toujours heurtees au penne recalcitrant de la serrure... Me voilà.
    Tremblez auteurs, ma main perfide ne connaitra de repos que lorsque j'aurais assouvi ma basse besogne... Dire tout le... bien que je pense de cet endroit. Commençons donc par ce marionnetiste, dont j'avais lu la premiere partie sans pouvoir en parler... Comme toujours ton univers Mathieu ressemble étrangement au mien, meme si je ne trouve plus les mots pour l'exprimer. Et ton texte me parle tellement que je me surprends à le reecrire, c'est te dire... Rassure toi je te laisse la primeur, j'ai simplement pris un instant la plume comme pour me faire croire que je pouvais ecrire des choses comme cela.

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    1. Mais si, mais si tu les as ces mots pour t'exprimer!!! Heureux que tu puisses enfin t'exprimer sur ces pages!!! Bonheur double d'avoir enfin eu l'occasion de te parler "pour vraie"!

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