dimanche 1 mars 2015

Deuil

La pluie fermait la route au départ de mon deuil. Certains pourraient prétendre au cliché, mais l’émotion pure que procure cette douche froide au moment de sa mise en bière me glaça dans le plus profond de mon désarroi.

Les arbres de cet octobre trébuchant dans son automne précaire courbaient l’échine dans l’abondance de ces pleurs célestes qui harponnaient les branches délestées de ces quelques feuilles persistantes.
 
Le gris du ciel, en confident parfait, tapissait de mes émotions sa propre couleur tout comme mon cœur à présent. Concordance des éléments avec l’esseulé que j’étais désormais, je pleurais de mon état d’orphelin. Qu’est la justice de la mort quand elle ne joue pas de violon? Ce statut tout neuf ne m’avait pas été offert, mais imposé… L’acceptation était, dès lors, plus difficile à admettre.

J’étais là, au seuil de son trépas à jamais enseveli. La terre l’aura comme lit éternel en proie de son repos égoïste. Moi, le laissé pour compte, je ne pouvais dire la rage qui bouillait dans l’accord de son émotion contraire, le chagrin.

Les mots que cet homme inconnu proclamait n’avaient de sens que pour celui qui les prononçait. Vide de sens pour celui qui n’y croit pas… À quoi servent ces rites de passage sinon que de faire de cette transition un moment social. La foule qui se massait de compassion derrière moi essuyait leurs larmes de pacotille. Jamais de son vivant, jamais de leur vivant, ils l’avaient estimé.

Hypocrisie dans cette cérémonie, je voyais bien que la tragédie agit telle une rassembleuse naturelle. De beaux habits, de bons mots et de belles fleurs habillaient cette parade funèbre d’où les obligations d’y être par principe davantage que par sympathie…
L’éloge de l’homme de cérémonie terminé, les dos me montraient maintenant leur visage. Lente procession vers les véhicules en cortège, les émus marchaient. Leur quart de travail achevé, ils pouvaient à présent retourner à leur fourneau et leur alibi.

Moi, pour ma part, je ne serai plus que le plâtre colmaté d’une époque passé et qui s’éteint. Je devrai dès lors, apprendre à vivre seul et y voir clair désormais. Pourtant, la morosité et l’amertume jardinaient mon âme triturée. Je les voyais bien en charognard se repaitre de ma carcasse affaiblie.

Leur en vouloir je voudrais, mais ils sont, hélas, mes deux seuls compagnons, avec ma voisine, la mort…

Ils dressaient à eux seuls, le théâtre de ma débâcle… Quelle fin l’auteur de ma vie, m’aura réservée? Inconnue elle m’était, mais faite qu’elle soit rapide, car je suis un bien mauvais acteur.



2 commentaires:

  1. le choc des mots bien sentis. ça prend aux tripes (excuse moi l'expression)
    et le ressenti sur cette cérémonie factice ayant pour seul but de donner bonne figure à la société bien pensante mais n'offrant aucun réconfort à qui l'attend.
    Un texte très fort

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    1. Merci Gente Dame! Un texte qui est né de quelques images venues dans mon esprit hier en soirée! Je ne pouvais les retenir!

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