Maman me réveille tous les matins et
elle commence par me faire un bisou alors que je suis encore couché
sur mon lit. Ensuite elle m'aide à me lever car ce n'est pas très
facile pour moi. Vous comprenez après la nuit, je suis toujours un
peu ankylosé. Il faut vous dire que j'ai été opéré deux fois des
hanches et que l'arthrose vient gripper le mécanisme.
Alors, on sort tous les deux pour une
petite promenade matinale et je marche cahin cahan. La chatte de la
maison nous suit invariablement, c'est amusant. Lorsque nous
rentrons, elle me prépare mon petit déjeuner en m'appelant son
bébé. Son bébé ? J'ai treize ans tout de même !
Enfin.. elle est comme ça, Maman. Comme je ne tiens pas assis, à
cause de mes problèmes articulaires, elle pose mon repas à ma
portée alors que je reste allongé. Et puis, elle s'occupe de moi,
elle me donne mes médicaments en faisant très attention. Je n'aime
pas toujours ça, ça m'embête. Surtout les gouttes dans les yeux.
Ah oui, je ne vous ai pas dit. Je me suis cogné l'oeil en voulant me
déplacer tout seul. Résultat, j'ai gagné un beau cocard qu'il faut
soigner. Dur dur d'être un bébé.
Pendant que Maman prend son petit
déjeuner, je reste sagement allongé jusqu'au moment où elle me
donne un gâteau. Je sais bien que ce n'est pas un vrai gâteau,
j'suis pas fou. Mais elle appelle ça comme ça alors je ne vais pas
la contrarier.
Et puis, elle part travailler.
Travailler ? Je n'ai jamais compris ce que ça voulait dire.
Mais un jour, elle m'a expliqué que c'est grâce à ça qu'elle
pouvait ramener à manger et acheter mes médicaments. Alors, je
suppose qu'elle va dans un grand entrepôt où on trouve toutes ces
choses là. Mais il doit être très grand parce que ça lui prend un
temps fou pour trouver ce dont on a besoin. C'est sûrement un vrai
labyrinthe, ce truc, et elle n'a pas du trouver de plan.
Bref, je reste à l'attendre mais
avant de partir, elle me donne toujours à boire. Le docteur lui a
dit que mes médicaments à la cortisone me donnerait soif alors, là
aussi, elle fait attention à ce que je ne manque de rien en son
absence.
Et dès qu'elle rentre, elle me refait
un gros bisou et on repart pour une promenade. Elle dit que même si
c'est difficile, il faut que je marche. C'est bon pour mes
articulations. Les ballades que nous faisons sont bien plus courtes
qu'avant. Avant ma dernière crise, je veux dire. C'était l'an
dernier. Je me suis retrouvé coincé, je ne pouvais plus du tout
bouger. Oh la la, ça l'a affolée Maman. Elle a du demander de
l'aide pour me transporter jusque chez le docteur. Elle ne peut pas
me porter, je suis plus lourd qu'elle. Enfin, je vous précise que ce
n'est pas moi qui suis gros, non, non, c'est elle qui est petite. Mes
cinquante kilos, c'est trop pour ses petits bras surtout s'il faut me
porter jusque dans une voiture.
Donc avant on allait faire des
ballades en forêt, on passait par ce petit chemin aussi. Celui qui
mène à la maison où habite cette jolie petite chienne labrador.
Elle nous faisait toujours la fête et elle voulait jouer avec nous.
Mais ses maîtres la gardent derrière un grillage qui clôture la
maison. Enfin, je suppose que c'est toujours ainsi parce qu'il y a
longtemps que je n'y suis pas retourné. Je le regrette d'ailleurs,
elle me manque. Ensuite nous longions un champ bordé de mûriers
pour aller dans un sous bois qui sentait bon la mousse et les
champignons. Et nous revenions tranquillement, à mon rythme, c'était
ma promenade du samedi. Et parfois même, nous passions devant ce pré
où un poney s'approchait de nous. Maman lui donnait de l'herbe
pendant que je le regardais de biais. Je me suis toujours méfié de
cet animal qui avançait et reculait sans arrêt. Il ne semblait pas
savoir sur quelle patte danser celui-là.
Et je ne vous parle pas du temps où
nous passions des heures à fureter sur les chemins de la forêt de
Saint Trojan, sur l'Ile d'Oléron. Des chemins de sable entre les
arbres. Un jour, Maman a vu une biche. Elle était tout près, paraît
il. Je dis paraît il parce que moi, je n'ai rien vu. J'avais le nez
baissé, occupé à suivre des traces menues et prometteuses. Je
l'entendais bien me parler tout bas : « regarde,
regarde là, devant toi. » Ben, moi j'étais occupé et j'ai loupé
la propriétaire des traces que je suivais.
Mais ce temps-là est fini.
Aujourd'hui, on reste dans le quartier et même aux abords de la
maison. Ce n'est pas grave, c'est bien assez car je suis fatigué. Je
suis même souvent fatigué alors on joue beaucoup moins, Maman et
moi. Presque plus, d'ailleurs. Mais elle me fait toujours de
papouilles et des caresses. Elle me fait rire, Maman, elle me
chatouille. Et elle me parle beaucoup. Mais moi je n'ai pas besoin de
mots pour quelle me comprenne. Elle sait, elle observe, elle
surveille.
Elle était là dès le début. Elle a
toujours été là lorsque j'ai été malade ou lorsqu'on m'a opéré.
Elle ne m'a jamais abandonné. Elle a été là toutes ces années.
Et j'étais là pour elle lorsque tout a basculé. Je suis resté
allongé contre elle de si nombreuses nuits d'insomnie ou de
cauchemars. J'étais là ces jours d'obscurité portant vers elle mes
yeux de tendresse et ma sérénité. Nous avons toujours été là
l'un pour l'autre.
Et je sais qu'elle sera là lorsque ce
sera l'heure. Je crois qu'elle me chantera encore la petite litanie
de mots d'amour qu'elle a composée pour moi. Celle qui parle de moi
et qu'elle me fredonne à l'oreille lorsque je suis mal. Celle qui me
rassure et qui m'endormait même lorsque j'étais petit. Celle
qu'elle me chantera encore lorsqu'il me faudra partir, au dernier
instant de ma vie de chien.
Ah, au fait... je m'appelle Hector, le
labrador.
Belle finale tout en poil!!! Je me doutais bien que quelque chose devait se tramer sous ces 13 ans et tant de souffrance! N'empêche... J'ai adoré!!!
RépondreSupprimerJe te présente mon vieux bébé, Hector. Un ange à la robe noire et au cœur plus gros que lui. Merci
SupprimerBravo, on s'y laisse prendre, on y croit jusqu'au bout. Ton empathie nous surprend. Il faut relire à deux fois pour comprendre le texte. Tu devais bluffer tout le monde lorsque tu jouais à cache-cache.
RépondreSupprimer:-) Merci, j'aime bien jouer à ces jeux là où l'on ne dit pas de quoi l'on parle vraiment avant la dernière phrase.
Supprimerj'adore!!!!
RépondreSupprimerje me vois avec Pepsi ....
C'est très gentil d'être passée, Lydie. :-) Ah, que serions nous sans nos animaux ? Ils méritent bien qu'on leur rende hommage de temps en temps. Merci d'avoir apprécié et d'avoir laissé ce commentaire. Bises
SupprimerJe reconnais bien la plume sensible d'Aubrée et c'est pur régal que pouvoir te lire ! Ton merveilleux récit me fait songer à ma Chipie et aux rapports que j'ai avec elle ! CHAPEAU BIEN BAS pour ton histoire et merciiii pour ce partage émouvant ! BRAVOOOO !!
RépondreSupprimerEt je reconnaitrais entre mille tes commentaires joyeux et dynamiques, Christine. Merci beaucoup de ton appréciation. Nos animaux ne sont pas des ... bêtes. N'est ce pas ? LOL bises
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