lundi 2 mars 2015

Le Seigneur des Gogos.








L'histoire commence en Terre du milieu de Gologand. L’illusionniste premier sinistre, Grandwalls l’Andalou, découvre que le sceptre légué à Frhollandon par son oncle Bubon a la particularité de lui conférer les pleins pouvoirs, tout en le rendant invisible lui et sa politique. Grandwalls est parfaitement informé, grâce à des écoutes illégales, que cet objet a été volé au seigneur Sarkozon, qui lui-même l’a dérobé au baron gogoliste Chiracon, qui lui-même l’a subtilisé au roi Mitterrandon, qui lui-même l’a chouré au vizir d’Estaing, qui lui-même l’a hérité du présidou Pompident, qui lui-même l’a hérité du père créateur du royaume, le général de Gogolle. Ce passe-droit est âprement recherché par le ténébreux Sarkozon, car il lui permettrait de restaurer toute son autorité, en cachant ses forfaitures à la face du monde. Afin d'éviter que Sarkozon ne le récupère, Frhollandon et ses compagnons de la Communauté des Gogos entament un périlleux voyage dans le but de le détruire, là où tout a commencé.
À ce moment du récit, nous retrouvons nos voyageurs en chemin vers la cité de Fontencomble.
— Je te le confirme Frhollandon ! Cet objet fut forgé en Lorraine, puis enrichi sur la roche de Solutré. Celui qui le détient dispose d’une maîtrise quasi absolue et hypnotique sur son peuple. Les sujets ne comprennent plus rien, font tout ce qu’on leur demande même s’ils rouspètent un peu, manifestent ou font la grève. La moindre parcelle de leur existence est négociable : naissance, mariage, travail, construction, commerce, mort… Rien n’échappe à l’impôt. Ils sont tellement soumis et incultes qu’ils n’arrivent véritablement pas à établir les bases d’une réflexion les menant à une révolution prolétarienne, discourt Grandwalls.
Grandwalls est l’éminence grise de Frhollandon. Son teint est grisâtre, les yeux gris acier, le blazer gris pétrole, le bâton de marche gris métallisé, et le chapeau pointu gris ardoise. Son caractère, enfin, s’apparente à une omelette norvégienne sortie du congélateur et réchauffée au micro-ondes, puissance maximum.
— Mais… mais…
— Je ne suis pas ta mémé Frhollandon !
— Mais… oui… mais pourquoi doit-on anéantir l’instrument à l’origine de toute mon autorité précisément à l’endroit où il a été forgé ? s’inquiète Frhollandon Casquette.
Ce nom de Casquette lui sied comme un gant, puisqu’il en a plusieurs : chef des armées, chanoine d’honneur de la basilique Saint-Jean de Vatend, proto-chanoine de la cathédrale Notre-Dame d’Emprunt, chanoine honoraire de la cathédrale Saint-Jean de Vaurien, chanoine ad honores de Saint-Hilaire de Pots de Vin, protecteur de l’Académie des Neufs, coprince de la principauté d’Ondort. En outre, il a tellement le melon qu’il use de ses casquettes pour véhiculer ses courses alimentaires.   
— Tu commences à me gonfler Frhofrho ! J’te l’ai déjà expliqué, tu comprends vite, mais faut t’expliquer longtemps… Bon pour l’instant, j’ai un tas de boulot en retard, un conseil des sinistres et une allocution à la chambre des dépités. Alors tu continues la route avec ta bande de petits amis aux gros pieds, et j’vous rejoindrai après les municipales dans les montagnes du d’Estaing. Allez, ciao, mes potos !
Grandwalls saute sur son cheval arabo-andalou – qui a tous ses papiers, si, si j’t’assure ! –, et part au triple galop.
Les comparses qui accompagnent Frhollandon ne semblent pas rassurés. Toutes les manières, un rien les effraie, même une simple chouette – bon, pour les handicapés du jeu de mots je parlais de chouette effraie… c’est un calembour s’pèces d’infirmes neuronaux ! L’accompagnent dans son périple : Sam Agace-Macron, Médoc Fabius-Têtedebouc et Pèlerin Pipensapin. Ah ! ils sont beaux nos Gogos : costard bleu azur, chemise blanche et breloque rouge décorative au revers du veston, remise pour services non rendus.
— Tu crois qu’on va s’en tirer Frhollandon ? Nous sommes égarés au beau milieu de la forêt de la Récession, se plaint Fabius-Têtedebouc.
Il est vrai que cette forêt, un bois au départ, a gagné en étendue et en densité. À l’intérieur, on n’y voit goutte, aucun horizon à l’horizon. Certains s’y sont perdus des septennats ou des quinquennats entiers. Dans cette dépression verte, on se déplace au pifomètre en cherchant une issue et surtout… surtout on espère ne jamais rencontrer de mauvais esprits, semeurs de zizanie sociale, polémique, mise en examen et grèves en tout genre.
— Euh, faîte-moi confiance lorsque je vous dis : moi Frhollandon, nous nous dégagerons de la Récession. Euh, eh ben à gauche toute…
— À gauche toute ? C’était pas à droite, s’inquiète Sam Agace-Macron.
— Non, si ! Oui plutôt à gauche. C’est ça à droite toute. En avant par le centre !
— J’étais sûr que tu connaissais le chemin. Je n’ai jamais douté de toi Flamb… euh, Frhollandon, conclut Fabius-Têtedebouc.
 Les hommes aux pieds nickelés ne sont pas téméraires, toutefois, comme ils ont peu d’espoir, ils suivent aveuglément Frhollandon. Soudain, au détour d’un vieux gland – nom donné par les autochtones aux arbres servant au taillage de flûtes, flûtes dont jouent à merveille Frhofrho et ses camarades –, Pipensapin sursaute : un horrible monstre leur fait face !
— Ciel ! Un troll germanique ! Nous sommes fichus, hurle-t-il.
— Ach ! Bandé dé pétites kalopins… On feut zortir de la rézezion zans rezpecter les gritères de gonverchences ! Achtum !
— À vos souhaits, Monsieur le troll.
— Frau le troll ! Fous les Kokos, fous fous groyez tout permis afec l’humoure, nein ? Vous basserez uniquement si fous me donnez les drei gritères. Zinon… (il-elle laisse sa phrase en suspend, puis :) zinon, fous perdez fos triples « A » et che fous rétrogradé en « B ».
Du haut de son mètre zéro deux, l’adipeux farfadet est très menaçant. Les cheveux blond-chinion. Un tailleur flashy coupé à coup de serpe, qui le fait ressembler à un hot-dog estampillé « gare de l’Est ». Une sympathique haleine fragrance bière de pompes funèbres, qui ferait battre en retraite le plus téméraire. Mais même devant un grave péril, un Gogo ne recule pas ! Il proteste, ronchonne, mais ne recule pas. Nos quatre intrépides tiennent colloque et colique de concert.
— On est mal barrés ! Moi Frhollandon, les cours j’ai tout oublié, geint-il.
— On va l’enfumer avec le pacte de solidarité, propose Sam Agace-Macron.
— Et si l’on estompait la dette par quelques écritures comptables ? J’suis un pro du compte en « T », dois-je vous le redire ? tente de les persuader Pipensapin. Le débit au solde du crédit de l’actif, indexé par le ratio de l’inactif, moins les recettes de…
— Oh, pff… la compta c’est un truc de pervers ! Y’a toujours un actif derrière un passif, l’interrompt Fabius-Têtedebouc. Je songe à autre chose. Je vous rappelle que je suis le sinistre des affaires extérieures et qu’à ce titre je participe à toutes les causeries urbi et orbiau conseil de la comptée Européenne. Comptée Européenne qui, au passage, est fortement influencée par les peuplades germaines. Et si on leur remémorait leurs torts, genre leur péché originel ? Par exemple en balançant dans les gencives de la trollasse teutonne, une commémoration de la Grande Guerre des Terres du Centre !
Frhollandon qui n’a rien écouté comme à son habitude exulte et s’exalte en sautillant sur place, tel un écolier pris d’une envie pressante qui a trouvé un poste de chef de cabinet.
— Ça y est ! C’est revenu d’un coup, Madame le troll. Cela concerne la stabilité des prix et donc l’inflation, la situation des finances publiques, et les taux d’intérêt à long terme. (Il respire avec difficulté.) Ouf ! J’suis claqué, moi.
C’est vrai qu’il est devenu blanc et gélatineux d’un seul coup. Il a trop réfléchi, sans doute.
— Ya vol mein Kamaraden ! Fous poufez pazer, se contente de leur annoncer le follet. Il écarte les taillis de ses mains potelées, et le groupe se retrouve à l’entrée d’un désert à perte de vue.
— Lé dézer du Chômache, très tifficile à draverzer. À fous dé Chouer, Mezieurs !
— Aux fines herbes, papa Schultz ! crient le chœur des joyeux rescapés.
Tout à leur gaîté, ils ne se doutent pas de ce qui les attend. Les voilà embarqués au pays de la soif. Le soleil de plomb assèche les idées, embrouille les langues, et réciproquement. La contrée Chômage, aride et vide, s’étend à perte de vue. Frhollandon regrette l’absence de Grandwalls le prestidigitateur. Avec lui, elle se serait peut-être transformée en oasis verdoyante. En changeant quelques désignations, les chômeurs deviendraient des chercheurs d’emploi, les chercheurs d’emploi, des découvreurs de stages.
— Ah, si j’étais capable de me souvenir de la formule magique ! s’exclame Frhollandon. Je ferai disparaître d’un seul coup d’un seul ce sale désœuvrement. Euh,Chomageum disparaitum ! Euh, non plutôt : Croissancia au beurrum. Mince, toujours pas !
— Ça s’rait pas economisare pognonum et relancia activitae, propose Pipensapin.
La cellule du Politbureau à tendance néo-libérale, tout occupée à réfléchir sur la meilleure tournure sémantique, ne s’aperçoit pas que la nuit et la température tombent rapidement. Les voyageurs sont en danger.
Par chance.
— Une grotte ! s’écrie Sam Agace-Macron. Sauvé ! C’est une annexe de Pôle emploi, nous y trouverons refuge.
Malheureusement, tel un Ulysse forcé à choisir entre Charybde et Scylla – deux conseillers sur sa liste aux municipales d’Ithaque –, la communauté va être contrainte de choisir entre le mâle et le mal ou inversement. En effet, tapi dans l’ombre, Golepenlum les regarde sournoisement s’installer sur leurs grabats – ah, ah, j’t’ai bien eu lecteur ! Tu pensais que j’allais causer de Bernard... Tapie dans l’ombre du Crédit Lyonnais ! Quoi ? Ils les trimballent où leur matelas gonflable ? Mais avec leur parachute doré, dans leur sac à dos, pardi ! Oh, eh puis arrête de ralentir le récit de mon épopée lyrique avec tes remarques à deux balles, public !
Tout à coup, Golepenlum leur saute dessus, enfin devant.
Golepenlum est double. Deux forces s’agitent en lui jusqu’au déchirement. Schizophrène à tendance paranoïde de la première heure, ex-membre des jeunesses poujado-souveraino-traditionalo-racistes, il affirme tout et son contraire en toute bonne mauvaise foi.
Il ouvre une bouche aux multiples dents effilées, les fixe méchamment et prend la parole :
— Mon précieux ! vocifère-t-il en montrant le gourdin. Il est à moi ! Mon précieux gourdin ! – quand je vous disais qu’il délire !
Sa voix est autoritaire. Ses gestes brusques. Son œil gauche est fixe, comme s’il portait un calot de vair – c’était un grand fan de Cendrillon et de sa fameuse charentaise en vair.
Puis subitement, le voilà qui se calme et s’exprime sur un autre registre.
— Mes amis, bienvenue avec le joli précieux. Sachez que je suis ouverte à la discussion – il imagine être une femme, maintenant ! –, vive nos belles institutions et longue vie à Frhollandon.
Puis, il éructe toute une litanie d’insultes.
— Bande de pygmées ! Retournez dans votre pays. Ici c’est Gogoland, et Gogoland appartient aux Gogos de souche. Ah ! c’est le Paradis Golodand, hein ? Vous imaginez que les fées Assédic, Sécu, et Aidesoss se pencheront sur vos berceaux ! Dehors les pygmées !
Frhollandon est tricolore de rage. Habituellement calme, voire soporifique, il s’extirpe de sa léthargie.
— Moi Frhollandon, dans l’Histoire je rentrerai. Moi Frhollandon, je pulvériserai ce maudit bâton-pouvoir. Moi Frhollandon, tu ne m’empêcheras pas d’atteindre la cité de Fontencomble. Moi Frho…
Golepenlum les regarde avidement, en particulier le spécialiste de l’anaphore.
— OK, OK… Huuum, Y’a de quoi casser une graine sur ces os-là ! (Il se radoucit.) Non, nous n’allons pas le manger tout de même ? (Son visage de durcit.) Si ! Le manger illico nous le ferons ! (Il se calme.) Laissons-leur une chance, soumettons-les aux trois énigmes. S’ils se trompent… (Il montre les ratiches.) Nous les mangeallerons tous !
Les infortunés voyageurs n’ont pas le choix, alors :
— Moi Frhollandon, ai-je la possibilité de faire appel à un quelqu’un qui a toute ma confiance du moment, pour m’aider à répondre ? 
— NonnnnnOuiiiiiiiiii, hurle Golepenlum le bipolaire. Attention première question : « Sans voix, il crie quand même. Sans ailes, il voltige pourtant. Sans dents, il mord de toute façon. Sans bouche, il murmure aussi ? »
Nos quatre compères mettent en commun leurs cerveaux lents, alors que présentement mûris à l’école Centrale de Fleury-Mérogis, des mines de potache, ou de l’ENA – très prisée en politique, l’école nationale des arrivistes. Brusquement, Pipensapin a une illumination.
— Je sais, je sais… c’est le vent !
« Pouët ! » – c’est le buzzer, nom d’une pipe en sapin !
— Faux ! leur claque Golepenlum. La réponse est : le seigneur Sarkozon. Deuxième question : « Qu'est-ce qui a des racines que personne ne remarque ? Qui est plus haut que les arbres ? Qui monte, qui monte, et nonobstant ne pousse jamais ? »
— J’ai la solution, murmure Frhollandon. Euh… la montagne ?
« Pouët ! Pouët ! » 
— Encore perdu ! J’évoquais le chômage. Attention ultime interrogation mes rôtis (il salive déjà) : « On ne peut ni la voir ni la sentir ni l'entendre ni la respirer, elle est aussi enjouée qu’un trou noir, elle vide les salles pleines, elle vient d'abord et suit après, elle termine la vie, tue le rire. »
— Ben, euh… j’peux appeler mon camarade Grandwalls ? Là, j’suis sec comme un whiskey sans glace !
— Pas la peine, sourit Sam Agace-Macron qui le coupe. C’est l’obscurité !
« Pouët ! Pouët ! Pouët ! » 
— Ah, ah, ah, ah, ah, ah, c’est ton ultime farfouille Macron ?
— C’est mon ultime farfouille Jean-Marine !
— La réponse est la princesse Burni ! rugit Golepenlum.
Et il se jette sur ses proies comme la misère sur le pauv’ monde ; ou tel le baron Mélanchouille seigneur de la Faucille et du Marteau, sur le bas clergé. Mais les Gogos ont plus d’un tour de passe-passe dans leur musette et…

Frhollandon va-t-il retomber sur ses pattes ? Aura-t-il un jour la cravate droite, ou sa manche de chemise ne dépassant pas de sa veste ? Pourquoi a-t-il eu autant de mal à réciter les critères de convergence ? Comment se fait-il que personne ne connaisse la formule magique pour sortir du désert du Chômage ? L’illusionniste premier sinistre Grandwalls l’Andalou n’envisage-t-il pas d’être calife à la place du calife ? Sarkozon le terrible va-t-il s’acoquiner avec la guilde Pigmalion pour reprendre le sceptre et question corollaire, ne l’entend-on pas arriver de loin avec ses gros sabots et son lot de casseroles attachées aux fesses ? Qui est le baron Mélanchouille et pour quelle mystérieuse raison la princesse Burni vide-t-elle les salles ? Oh, je sens que l’on n’est pas au bout de nos surprises avec les Gogos…

6 commentaires:

  1. Chapeau Brave Homme! Ton texte à la sauce politique est un pur délice pour les yeux! Même si ces noms de politiques étrangères ne sont pas de mon patelin, j'ai tout saisi! Brillant !!! La suite!!!

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  2. Merci Mathieu ! Les noms changent, les personnels politiques restent les mêmes ; de nature à nous escroquer...

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  3. Comment bien commencer la journée avec le sourire aux lèvres et s'esclaffer de rire au fur et à mesure du texte ? Prenez un Néo bien frais et donnez lui une plume affutée... le reste ne manquera pas de vous surprendre et sera du meilleur cru.
    Excellent, j'ai adoré la transposition finement menée, les caractères bien détaillées et très justement décrits. J'ai ri de bon cœur en cette matinée et j'attends la suite avec grande impatience. Merci et bises.

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  4. Coucou Aubree, on finit toujours par se retrouver virtuellement quelque part :) Les hommes ou les femmes politiques nous font tellement rire jaune qu'il est de bonne guerre de s'en amuser à notre tour, en bons Gogos que nous sommes :)

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