samedi 31 janvier 2015

Flumen

Je me souviens d'un temps où l'Homme n'existait pas.

 D'un temps où les hominidés, déjà, me confiaient
leurs maigres biens à transporter.

Je me souviens d'un temps où ce druide me vénérait
 et où des filles blanches venaient, nuitamment,
danser en ronde sur mes berges.

Je me souviens du temps où l'on menait le bétail se désaltérer
 et où les chiens de chasse s'éclaboussaient de joie en me traversant.

Je me souviens du temps où cet enfant me puisait pour arroser son jardin
 et où le meunier me reliait à son moulin pour moudre le grain.

Chacune de mes gouttes reflète la danse aérienne du héron,
 les miroitements de la perche et le chant lancinant de la rainette.

Chaque méandre raconte le temps infini et la patience éternelle
 de l'érosion sur ma prison de roche granitique.

Chaque bras trace l'espoir d'une rencontre inattendue,
 d'un ailleurs lointain ou d'un ici renouvelé.

Chaque ombre grouille d'une vie précieuse et délicate,
cachée entre lit et draperie de l'onde.

Jamais je ne me détourne de mon cours, de mon but, de ma réalité.

Parfois je charrie vos restes, vos loisirs ou vos nécessités.

Souvent je réalise mon rêve de liberté.

Toujours je voyage vers demain.

 

6 commentaires:

  1. Une beau texte qui coule doucement sur de belles images. J'ai apprécié cette lecture! ;)

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  2. Superbe chère Dame de la Sagesse! Je vois bien le long cours d'eau serpentant les rivages qui s'abreuve à son lit! Magnifique!

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  3. Tout le plaisir est pour moi, Sieur Mathieu. ;-) Merci

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  4. Quelle agréable métaphore...
    Apaisante
    Reposante
    Merci

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    1. J'aime l'eau. Fluide, douce, apaisante. Mais aussi l'eau furieuse, dévastatrice, celle qui emporte tout. Merci Cat

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