dimanche 4 mars 2012

Sommeil émotif.

Autrefois, lorsque mon père éprouvait un contentement,
il le disait dans un grand silence, en risquant
un sourire évocateur. Rarement avec des mots.
Je souffrais de cette difficulté qu'il avait à communiquer
verbalement.  Je le savais pourtant instruit, sensible et capable d'une certaine pédagogie puisqu'il avait une formation d'enseignant.  Mais avec ses enfants, c'était une autre paire de manches. Il démontrait une retenue, une gêne, un inconfort à se livrer.  
 
Jeune enfant, j'ai appris à développer la
perspicacité. Je cherchais chez lui ces petits indices, ces
tentatives pour entrer en relation, essayant de détecter 
le moindre effort vers une livraison de sentiments. 

Je devinais ce père discret, je l'épiais sans qu'il le sache, je savais s'il était de bonne humeur ou au contraire, à rebrousse-poil.
Il a souffert, tout autant que moi, de cet état de fait. Nous
tentions parfois d'ouvrir sur le sujet, il en était souvent bouleversé, entièrement triste. 
La vie lui a fait faire un grand détour, cela lui a pris du temps avant de s'autoriser un déploiement de sentiments, avant de risquer à déployer ses émotions.


Peu à peu, je l'ai vu se dégager d'une espèce
d'enveloppe collante, d'un sommeil lourd,un genre de manteau d'inhibitions. Il a remué peu à peu ses sentiments,
et s'est risqué à dire les choses avec tendresse. Il a appris
à reconnaître l'être bon à l'intérieur de lui.
 
Peut-être a-t-il moins peur qu'avant.

Il a beaucoup travaillé sur cet aspect de sa personnalité.
Il y a mis du cœur, je le remercie.

Aujourd'hui, lorsqu'il est heureux, il improvise une chanson, 
il ose un prénom, un compliment. Nous parlons et échangeons beaucoup plus facilement.
 
C'est un pas immense pour celui
qui avance vers l'expression de ses sentiments.

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